Correspondance de Voltaire/1736/Lettre 674

Correspondance : année 1736GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 34 (p. 158-159).
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674. — À M. LE MARQUIS D’ARGENS[1].
Cirey, 6 novembre.

Je ne sais, monsieur, si vous avez reçu une longue lettre[2] que j’eus l’honneur de vous écrire par Nancy. Je vous y offrais mes services auprès de votre colonel et de M. de Vaujour : je vous réitère mes offres. Je vous donnais avis d’une très-plate épigramme, que ce vieux serpent de Rousseau avait vomie contre vous. Je vous demandais s’il n’y avait point quelque homme de lettres en Hollande avec qui on put être en correspondance. Je vous envojais le duplicata de la Crépinade, que vous pourrez insérer dans les Lettres juives.

On me mande que Rousseau est enfin disgracié chez le duc d’Aremberg. La destinée de ce scélérat imprudent est d’être chassé partout : il avait compromis M. le duc d’Aremberg par un écrit scandaleux qu’il inséra contre moi dans la Bibliothèque française. Il s’était servi du nom de son protecteur pour appuyer un mensonge. Sa calomnie et sa témérité ont indigné son maître, qui l’a menacé de cent coups de canne. On dit que Rousseau a répondu : « Hélas ! monseigneur, vous n’en aurez pas les gants. »

Permettez-moi de vous demander si vous êtes l´auteur du Mentor cavalier, qui parait à Paris sous votre nom. Je vous ai prié dans ma dernière de supprimer toute cérémonie ; mon attachement pour vous me permet d’user de ce droit.

P. S. Comme j’ai peur qu’une de vos lettres n’ait été rendue à une autre madame du Châtelet, ayez la bonté de mettre vos dessus :.À madame la comtesse de Beauvau, pour madame du Châtelet de Cirey.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Celle que nous avons donnée sous le n° 661.