Correspondance de Voltaire/1736/Lettre 641

Correspondance : année 1736GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 34 (p. 122-123).
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641. — À M. BERGER.
À Cirey, le 10 septembre.

Mon cher ami, vous êtes l’homme le plus exact et le plus essentiel que je connaisse ; c’est une louange qu’il faut toujours vous donner. Je suis également sensible à vos soins et à votre exactitude.

J’ai reçu une lettre[1] bien singulière du prince royal de Prusse. Je vous en enverrai une copie. Il m’écrit comme Julien écrivait à Libanius. C’est un prince philosophe ; c’est un homme, et, par conséquent, une chose bien rare. Il n’a que vingt-quatre ans ; il méprise le trône et les plaisirs, et n’aime que la science et la vertu. Il m’invite à le venir trouver ; mais je lui mande qu’on ne doit jamais quitter ses amis pour des princes, et je reste à Cirey. Si Gresset va à Berlin, apparemment qu’il aime moins ses amis que moi. J’ai envoyé à notre ami Thieriot la réponse[2] de Libanius à Julien ; il doit vous la communiquer. Vous aurez incessamment la préface[3], ou plutôt l’avertissement de Linant, puisque ni vous ni Thieriot n’avez voulu faire la préface de la Henriade. Continuez, mon cher ami, à m’écrire ces lettres charmantes qui valent bien mieux que des préfaces. Embrassez pour moi les Crébillon, les Bernard, et les La Bruère. Adieu.

  1. Voyez la lettre 629.
  2. Voyez la lettre 631.
  3. La préface de la Henriade, (édition de 1737. Elle est en tête du tome Ier des Œuvres de M. de Voltaire ; Amsterdam, 1738. (Cl.)