Correspondance de Voltaire/1736/Lettre 633

Correspondance : année 1736GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 34 (p. 110-111).
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633. — À M. LE DUC D’AREMBERG[1].
À Cirey, près Vassy en Champagne, ce 30 août.

Monseigneur[2], je n’ai pas voulu jusqu’à présent, vous importuner de mes plaintes contre un homme que vous honorez de votre protection ; mais enfin l’insolence qu’il a d’abuser de votre nom même pour m’inquiéter me force à vous demander justice. Il imprime, dans une lettre[3] qu’il a fait insérer dans le journal de la Bibliothèque française, page 151, année 1736, que vous lui avez dit qu’à Marimont je vous avais parlé de lui dans les termes les plus indignes et les plus révoltants. Il fait de cette prétendue conversation avec vous le sujet de tous ses déchaînements ; cependant vous savez, monseigneur, si jamais je vous ai dit de cet homme rien qui pût l’outrager ; je respectais trop l’asile que vous lui donnez.. Jugez de son caractère par cette calomnie et par la manière dont il vous commet. Il fait imprimer encore, dans le même libelle, que M. le comte de Lannoi se plaignit publiquement que je n’avais pas entendu la messe dévotement dans l’église des Sablons[4]. Vous sentez, monseigneur, ce que c’est qu’un tel reproche dans la bouche de Rousseau. Je ne vous parle point des calomnies atroces dont il me charge, je ne vous parle que de celles où il ose se servir de votre nom contre moi. Je demanderai justice au tribunal de Bruxelles des unes, et je vous la demande des autres. Quand je vous serais inconnu, je ne prendrais pas moins la liberté de vous adresser mes plaintes ; je suis persuadé que vous châtierez l´insolence d’un domestique qui compromet son maître par un mensonge, dont son maître peut si aisément le convaincre. Je suis, etc.

  1. Léopold-Philippe, prince et duc d"Aremberg, mort en 1754.
  2. La réponse du duc d’Aremberg à cette lettre est transcrite par Voltaire dans sa lettre du 20 septembre 1736, aux auteurs de la Bibliothèque française, n° 646.
  3. Datée du 22 mai 1736. (B.)
  4. En 1722, quand Voltaire alla à Bruxelles avec madame de Rupelmonde.