Correspondance de Voltaire/1736/Lettre 598

Correspondance : année 1736GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 34 (p. 70-71).
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598. — À M. DE LA CHAUSSÉE.
À Paris, 2 mai.

Il y a huit jours, monsieur, que je fais chercher votre demeure, pour présenter Alzire à l´homme de France qui sait et qui cultive le mieux cet art si difficile de faire de bons vers. Je pense bien comme vous, monsieur, sur cet art que tout le monde croit connaître, et qu’on connaît si peu. Je dirai de tout mon cœur avec vous :

L’unique objet que notre art se propose[1]
Est d’être encore plus précis que la prose ;
Et c’est pourquoi les vers ingénieux
Sont appelés le langage des dieux.

Il faut avouer que personne ne justifie mieux que vous ce que vous avancez.

On m’a parlé aujourd’hui d’une place à l’Académie française ; mais ni les circonstances où je me trouve, ni ma santé, ni la liberté, que je préfère à tout, ne me permettent d’oser y penser. J’ai répondu que cette place devait vous être destinée[2], et que je me ferais un honneur de vous céder le peu de suffrages sur lesquels j’aurais pu compter, si votre mérite ne vous assurait de toutes les voix.

J’ai l’honneur d’être, monsieur, avec toute l’estime que vous méritez, votre, etc.

  1. Épître de Clio, v. 527.
  2. La Chaussée, et Boyer, évêque de Mirepoix, furent reçus à l’Académie française le 25 juin 1736.