Correspondance de Voltaire/1736/Lettre 583

Correspondance : année 1736GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 34 (p. 59).
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583. — À M. L’ABBÉ MOUSSINO[1]^.
À Cirey, par Vassy, ce 21 mars 1736.

Mon cher abbé, j’aime mieux mille fois votre coffre-fort que celui d’un notaire : il n’y a personne à qui je me fiasse dans le monde autant qu’à vous ; vous êtes aussi intelligent que vertueux : vous étiez fait pour être le procureur général de l´Ordre des jansénistes, car vous savez qu’ils appellent leur union l’Ordre : c’est leur argot ; chaque communauté, chaque société a le sien. Voyez donc si vous voulez vous charger de l’argent d’un indévot. Vous pourrez dans l’occasion en faire de bons marchés de tableaux ; vous m’emprunterez de l’argent dans votre coffre ; vous me direz : J’ai besoin de cinq cents livres, de six cents livres ; et vous m’en donnerez une note ; vous aurez une bonne clef du coffre bien fermé ; vous aurez un petit registre à part ; vous augmenterez le commerce de Pinga, comme vous le jugerez à propos ; vous serez mon surintendant, en quelque endroit que je sois ; je vous donnerai d’abord un billet pour prendre chez Perret tout ce qui y sera ; je vous enverrai des procurations pour toucher d’autre argent ; Demoulin vous en donnera aussi, et le portera chez vous. Tout sera dans le plus profond secret ; nous pouvons avoir, l’un de l’autre, des nouvelles en quatre jours. Mandez-moi si cette charge vous plaît, et comment va le commerce de Pinga.

Aimez-moi, et resserrez les nœuds de notre amitié par la confiance et par les services réciproques.

  1. Édition Courtat.