Correspondance de Voltaire/1735/Lettre 458

Correspondance de Voltaire/1735
Correspondance : année 1735GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 33 (p. 473-474).
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458. — Á M. BERGER.
À Cirey, le 12 janvier.

Vous ne sauriez croire, monsieur, combien je suis flatté de voir que vous ne m’oubliez point, au milieu des devoirs et des occupations dont vous êtes surchargé. Vous me faites voir, par votre dernière lettre, que M. de La Clède[1] est placé auprès de M. le maréchal de Coigny. Je ne le savais pas ; c’est sans doute M. d’Argental qui lui aura procuré cette place. Si cela est, voilà M. d’Argental bien aise : c’est un nouveau service rendu de sa part. Il est né pour faire plaisir, comme Rameau pour faire de bonne musique. Il y aurait un homme qui se tiendrait tout aussi heureux que M. d’Argental si certaine affaire que vous avez désirée pouvait se conclure ; cet homme est moi. J’ai récrit, et on m’a fait entendre que l’affaire allait mal. Ayez la bonté de m’instruire de l’état où sont les choses. Je vous demande, comme la grâce la plus flatteuse, de me procurer une occasion de vous servir,

N’avez-vous point vu M. de Moncrif ? S’obstine-t-il à se tenir solitaire parce qu’il n’est plus dans une cour ? Eh ! ne peut-on pas vivre heureux avec des hommes, quoiqu’on n’ait pas l’avantage d’être auprès des princes ?

J’ai lu l’Histoire japonaise[2] : je ne sais si je vous l’ai mandé. Je souhaite que l’Histoire de Portugal[3] soit aussi amusante.

Voudriez-vous me faire l’amitié de me mander quand on fera l’oraison funèbre de M, le maréchal de Villars ? Celui qui est chargé de l’éloge de M. de Benwick est un homme de mérite, qui me fait l’honneur d’être de mes amis. Je ne sais qui sera le Fléchier de notre dernier Turenne. Le Père Tournemine avait entrepris ce discours, mais il a remercié. N’est-ce point l’abbé Seguy[4] qui lui a succédé ? Il est déjà connu par un très-beau panégyrique de saint Louis. Le sujet de saint Louis était épuisé, et celui-ci est tout neuf. Que ne dirait-il pas d’un homme qui, à quatre-vingts ans, prenait le Milanais et entretenait des filles ? Adieu, monsieur ; vous saviez combien je vous suis attaché.

  1. Auteur d’une Histoire générale du Portugal, publiée en janvier 1735, 8 volumes in-12 ; mort vers le commencement de janvier 1736. (Cl.)
  2. Voyez la note 1 de la lettre 449.
  3. Par de La Clède.
  4. Joseph Seguy, abbé de Genlis, prononça effectivement l’oraison funèbre du maréchal de Villars, le 27 janvier 1730, dans l’église de Saint-Sulpice.