Correspondance de Voltaire/1733/Lettre 386

Correspondance de Voltaire/1733
Correspondance : année 1733GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 33 (p. 405).
◄  Lettre 385
Lettre 387  ►

386. — Á M. DE MAUPERTUIS.
Paris.

J’ai lu votre manuscrit sept ou huit fois, mon aimable maître à penser. J’ai été tenté de vous écrire mes objections, et les idées que cette lecture m’a fournies ; mais j’apprendrai plus de choses dans un quart d’heure de votre conversation que je ne vous proposerais de doutes dans cent pages d’écriture. D’ailleurs, les persécutions que j’essuie déjà au sujet de mes Lettres anglaises, un peu trop philosophiques, ne me laissent guère le temps de mettre par écrit mes songes métaphysiques. Plus je raisonne, plus je suis incertain ; mais je sais certainement que je voudrais vivre en liberté, et m’éclairer avec des esprits comme le vôtre. Je ne suis pas trop sûr qu’il n’y ait point de substances, et j’ignore absolument ce que c’est que la matière ; mais je suis certain que je suis un être pensant, qui le deviendrait bien davantage avec vous, qui vous aime de tout son cœur, et qui est pénétré pour vous de la plus tendre estime.