Correspondance de Voltaire/1732/Lettre 274

Correspondance de Voltaire/1732
Correspondance : année 1732GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 33 (p. 280-281).
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274. — Á M. LE COMTE DE TRESSAN[1].
Le 3 août.

Tressan, l’un des grands favoris
Du dieu qui fait qu’on est aimable,
Du fond du jardin de Cypris,
Sans peine, et par la main des Ris,
Vous cueillez ce laurier durable
Qu’à peine un auleur misérable,

Á son dur travail attaché,
Sur le haut du Pinde perché,
Arrache en se donnant au diable.
Vous rendez les amants jaloux ;
Les auteurs vont être en alarmes,
Car vos vers se sentent des charmes
Que l’Amour a versés sur vous.
Tressan, comment pouvez-vous faire
Pour mener si facilement
Les neuf pucelles dans Cythère,
Et leur donner votre enjouement ?
Ah ! prêtez-moi votre art charmant ;
Prétez-moi votre voix légère.
Mais ce n’est pas petite affaire
De prétendre vous imiter ;
Je ne suis fait que pour chanter[2],
Et les dieux vous ont fait pour plaire.
Je vous reconnais à ce ton
Si doux, si tendre, si facile.
En vain vous cachez votre nom,
Enfant d’Amour et d’Apollon,
On vous devine à votre style.

Revenez vite faire un enfant à toute autre qu’à la mère de Septimus, Si vous êtes actuellement avec MM, de Cideville et de Formont, je vous en fais à tous trois mon compliment, et Je vous porte envie à tous trois.

  1. Louis-Élisabeth de La Vergne, comte de Tressan, né en 1705, traducteur de l’Arioste, etc., reçu à l’Académie française en 1781, mort en 1785.
  2. Variante : Je peux tout au plus vous chanter ;
                  Mais les dieux vous ont fait pour plaire