Correspondance de Voltaire/1732/Lettre 270

Correspondance de Voltaire/1732
Correspondance : année 1732GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 33 (p. 275-277).
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270. — Á M. THIERIOT[1].
Paris, 9 juillet 1732.

I have not written a word to you this month : you must forgive me ; I was a little busy. I have written a play, it is now in the hands of the players ; they say it is moving, and full of what the French call interest. My design, in writing this new tragedy was, to represent the most majestic and tender ideas our religion can afford, with the most touching and the most cruel effects of love. If my friends do not deceive me, and are not deceived themselves, this play will meet with some success. I have not been wanting, at the same time, in mending my tragedy of Ériphyle. I intend to send you them both by the next opportunity. These continued studies have not driven my friends out of my thoughts. I have seen mistress Sallé as often as I could ; she is now a little sick ; the death of her brother has touched her heart to the quick : she paid to friendship and to nature the tender duties she owed to love : her heart is made for tenderness, but it seems all her sentiments were confined to this brother and you : now your rival is dead I think you must engross the whole soul of mistress Sallé. The pit, the boxes, the ladies, the petits-maîtres, even mademoiselle Provost, were in raptures the last day she danced in the new opéra ; for my part I was surprised ; and, to my judgment, her dance of Amadis was never so singular, so admirable ! What verses can I now write for her that could equal her abilities ? M. Bernard has attempted a madrigal, and has fallen short even of his own idea : this is my case. I find there must be in an inscription an exactness and a short way of painting a flash of sentiment ; something so tight, so neat, and so full, that I must give the work over. I have found out nothing but this :

De tous les cœurs et du sien la maîtresse,
Elle allume des feux qui lui sont inconnus :

De Diane c’est la prêtresse
Qui vient danser sous les traits de Vénus[2].

Methinks these four lines are at least a true, if not a lively, picture of her peculiar art of dancing and her own character : they do besides answer the purpose of the painter, who represents her dancing before the temple of Diana.

Before I leave off speaking of verse to you, I must tell you I have to-day put in the hands of your brother two scrolls of rhymes, one for madame Fontaine-Martel, and the other for madame Lubert, whom I have dubbed Muse and Grâce.

I have not yet seen the new édition of my works. Four and twenty copies of them are sent to me by the way of Rouen : but, before I receive them, I shall have time enough to receive some letters from you : be so kind then as to inform me what success this édition has met with, both in England and in Holland.

You promised to send me the remarks of La Motraye : I désire you would add to them a little pamphlet newly come out on the person and the works of doctor Clark. I hope to send you, within a few months my English Letters. I want chiefly the little pamphlet concerning doctor Clark, to give the last stroke to his character, provided this pamphlet contains some truths worth knowing.

Now you must tell me, with sincerity, how long you intend to continue in England ; what course of life you have entered upon, and whether you bave a fixed design or no to do something ? Do you stay really for mistress Salé ? Will she really come over to you ? In the mean time madame de Fontaine-Martel makes her best endeavours to have as much pleasure for as little money as possible. M. Rezé is at Paris, and sups here almost every day. I wish you could do the like.

Farewell, I am yours for ever[3].

  1. Pièces inédites, 1820.
  2. Voyez tome X, p. 492.
  3. Traduction : Je ne vous ai pas écrit un seul mot ce mois-ci ; mais il faut me le pardonner, car j’ai été un peu affairé. J’ai fait une pièce, qui est maintenant entre les mains des acteurs * : on l’a trouvée touchante et pleine de ce que les Français appellent intérêt ; mon intention, en composant cette nouvelle tragédie, était de mettre en contraste les idées les plus tendres et les plus majestueuses que puisse fournir notre religion, avec les effets les plus cruels et les plus attendrissants de l’amour. Si mes amis ne me trompent pas et ne se trompent pas eux-mêmes, cette pièce aura quelque succès. J’ai aussi travaillé à corriger ma tragédie d’Ériphyle : je compte vous les envoyer toutes deux par la prochaine occasion. Ces études continuelles ne m’ont point empêché de penser à mes amis. J’ai vu mistriss Sallé aussi souvent que je l’ai pu : ello est maintenant un peu indisposée. La mort de son frère a blessé son cœur au vif. Les sentiments de l’amitié et de la nature balançaient en elle ceux de l’amour. Son cœur est fait pour la tendresse, mais il semble que tous ses sentiments se partageaient entre son frère et vous. Maintenant que votre rival est mort, je pense que vous régnerez seul dans le cœur de mistriss Sallé. Le parterre, les loges, les dames, les petits-maitres, et jusqu’à Mlle Prévost, étaient en extase la dernière fois qu’elle dansa dans le nouvel opéra. Quant à moi j’en fus étonné, et, à mon jugement, sa danse d’Amadis ne fut jamais si surprenante et si admirable.

    Quels vers pourrais-je maintenant composer pour elle qui pussent égaler ses talents ? M. Bernard a essayé de lui faire un madrigal, mais il est loin d’avoir atteint son but. Je suis dans le même cas : je sens qu’il faudrait dans une inscription une exactitude, une manière abrégée de peindre, un éclair de sentiment, quelque chose de serré ou concis, si clair et si plein que je désespère d’y parvenir. Je n’ai rien trouvé que ceci…

    Il me semble que ces quatre vers sont au moins un tableau vrai, sinon animé, de son talent particulier pour la danse, et de son propre caractère. Ils répondent aussi à l’intention du peintre, qui la représente dansante devant le temple de Diane.

    Avant de cesser de vous parler de vers, il faut que je vous dise que j’ai remis aujourd’hui à votre frère deux brouillons de rimes, l’un pour Mme de Fontaine-Martel, et l’autre pourMlle de Lubert, que j’ai qualifiée Muse et Grâce.

    Je n’ai point encore vu la nouvelle édition de mes œuvres. On m’en a envoyé vingt-quatre exemplaires par la voie de Rouen ; mais avant qu’ils ne me parviennent, j’aurai le temps de recevoir quelques lettres de vous ; ayez donc la bonté de m’instruire du succès qu’a eu cette édition en Angleterre et en Hollande.

    Vous m’aviez promis de m’envoyer les remarques de La Motraye ; je vous prie de vouloir bien y joindre le petit pamphlet qui vient de paraître sur la personne et les ouvrages du docteur Clarke ; j’espère vous envoyer sous peu de mois mes Lettres anglaises. J’ai absolument besoin du petit pamphlet du docteur Clarke, pour donner le dernier coup de pinceau à son caractère, pourvu toutefois que ce pamphlet contienne quelques vérités bonnes à savoir.

    Il faut maintenant me dire avec sincérité combien de temps vous comptez rester en Angleterre, quel genre de vie vous avez choisi, et si vous avez ou non l’intention de faire quelque chose ? Restez-vous réellement pour Mlle Sallé ? Viendra-t-elle vous trouver ? Pendant tout ceci Mme de Fontaine-Martel fait ses efforts pour se procurer du plaisir au meilleur marché possible. M. de Rezé est à Paris, et soupe ici presque tous les jours ; je souhaiterais que vous pussiez faire de même. Votre ami pour toujours.

    *. Zaïre