Correspondance de Voltaire/1729/Lettre 185

Correspondance de Voltaire/1729
Correspondance : année 1729GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 33 (p. 188-190).
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185. — À M. THIERIOT[1].

Saint-Germain-en-Laye, 2 mars 1729.

We fall out for ever if you do not take five hundred French livres from the arrears which the Queen owes to me, and of which Pallu[2] promises the payment. You must have an hundred crowns beside from Bernard, and as much from the hookseller who will bargain for the priviledge of the Swedish king’s life : that must be so or we are no friends.

I will write to Pallu in a few days to thank him. But I would know before whether he knows of my concealment here, and what he thinks upon it. You ought not to discover any thing to him ; but let him discover to you what he knows.

Before I went out of Paris I received, at M. Cavalier’s house, a letter written to me by cardinal Fleury, which was sent to London, and back from London to Paris. The priest is very civil : he vouchsafes to write to me most obligingly that he has taken away my rents without mercy.

I hope M. de Brancas will instruct me on the particularities which he knows concerning the late king of Sweden : but there are many more curious things relating to that history, which I conjure you earnestly to enquire of.

You may go to the Swedish ambassador, or to his secretary, or his chaplain, or his whore ; ask any of them :

1o Whether it is true count Piper had so great a band in engaging the states to declare the king major at sixteen.

What part the queen-grandmother had in the affairs since her grandson’s majority.

What sort of government was established in Sweden after the king’s arrival on the Turkish dominions.

I beg of you too to see M. de Croissy, of whom I have made a very honourable mention in my history ; and whose family I have much commended, as I think it deserves.

Ask him in what tongue the king did speak with him in Stralsund.

But especially sift him about the Pretender’s interest with that monarch at that time. Endeavour to know whether France had any design to help the Pretender together with the king of Sweden.

Ask him if he knew the famous baron de Görtz, and how far lie believes Görtz had carried his vast designs about the Pretender and the Empire. Do not forget to ingratiate me with M. de Croissy, whom I esteem very much.

When you see M. de Maisons, tell him you do not know where I am at present : but desire him to forward his remarks, and to restore the manuscript as soon as he can.

There is another query more weighty than all the rest.

Two or three historiens, or rather, compilers of gazettes, have confidently reported, that king Augustus of Poland, at his restoration, caused to be beheaded one Fengsten, his privy-counsellor, for having signed the shameful peace of Altranstadt, in order to let the world believe that he (the king) bad been imposed upon by Fengsten and to load an innocent subject with the whole odium and shame of that treaty. I have many reasons to question the beheading of that Fengsten. Pray talk to M. de Brancas about it. Enquire who may give you a true account of that affair ; you will oblige very much your friend. Farewell.

Do not forget the abbot Dubos. I love thee, by God[3]

  1. Pièces inédites, 1820.
  2. Bertrand-René Pallu, nommé maître des requêtes en 1720, passa à l’intendance de Moulins en 1734, et de là à celle de Lyon en 1738.
  3. Traduction : Nous rompons pour toujours si vous ne prenez pas cinq cents livres de France sur l’arriéré que la reine me doit, et dont Pallu me promet le payement.

    En outre, vous devez recevoir cent écus de Bernard, et autant du libraire qui sollicitera le privilège de la Vie du roi de Suède. Il faut que cela soit ainsi, ou nous ne sommes plus amis.

    J’écrirai à Pallu sous peu de jours pour le remercier, mais je voudrais savoir avant s’il est instruit de ma retraite ici, et ce qu’il en pense ; ne lui découvrez rien, et tâchez seulement de lui faire dire ce qu’il sait.

    Avant de quitter Paris je reçus, chez M. Cavalier, une lettre du cardinal de Fleury, elle avait été envoyée à Londres, et de Londres à Paris. Ce prêtre est très-poli ; il daigne m’écrire fort obligeamment qu’il m’a enlevé mes rentes sans miséricorde.

    J’espère que M. de Brancas voudra bien m’instruire des particularités qu’il sait touchant le dernier roi de Suède ; mais il y a beaucoup d’autres choses curieuses, relatives à cette histoire, dont je vous conjure vivement de vous informer.

    Vous n’avez qu’à aller trouver l’ambassadeur suédois, ou bien son secrétaire, son chapelain, ou sa maîtresse, et leur demander :

    1o S’il est vrai que le comte Piper ait autant contribué qu’on le dit à engager les états à déclarer le roi majeur à seize ans ;

    Quelle part la reine mère eut dans les affaires depuis la majorité de son petit-fils ;

    Quelle espèce de gouvernement fut établie en Suède après l’arrivée du roi dans les États de Turquie.

    Je vous prie aussi de voir M. de Croissy, dont j’ai fait une mention très-honorable dans mon histoire, et dont j’ai beaucoup loué la famille, comme je pense qu’elle le mérite. Demandez-lui dans quelle langue le roi lui parla à Stralsund.

    Mais surtout sondez-le sur le crédit du Prétendant près de ce monarque à cette époque. Tâchez de savoir si la France avait le dessein de se joindre au roi de Suède pour aider le Prétendant.

    Demandez-lui s’il connaissait le fameux baron Gortz, et jusqu’où il pense

    que Görtz eût poussé ses vastes desseins sur le Prétendant et sur l’Empire.

    N’oubliez pas de me mettre en faveur auprès de M. de Croissy, que j’estime beaucoup.

    Lorsque vous verrez M. de Maisons, dites-lui que vous ne savez pas où je suis à présent ; mais priez-le de s’occuper à finir ses remarques, et de rendre le manuscrit aussitôt qu’il pourra.

    Voici une autre question plus importante que tout le reste :

    Deux ou trois historiens, ou plutôt des compilateurs de gazettes, ont rapporté confidentiellement que le roi Auguste de Pologne, lors de son rétablissement sur le trône, fit décapiter un nommé Fengsten son conseiller particulier, pour avoir signé la paix honteuse d’Altranstadt, afin de faire croire au monde que Fengsten lui en avait imposé, et pour charger un sujet innocent de tout l’odieux et de toute la honte de ce traité. J’ai plusieurs raisons de douter de la véracité de ce fait. Parlez-en, je vous prie, à M. de Brancas, et informez-vous à lui s’il ne connaîtrait pas une personne qui pût donner des renseignements positifs sur cette affaire, vous obligerez beaucoup votre ami. Adieu.

    N’oubliez pas l’abbé Dubos. Je t’aime, de par Dieu !