Correspondance de Voltaire/1724/Lettre 137

Correspondance de Voltaire/1724
Correspondance : année 1724GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 33 (p. 135).
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137. — À M. DE CIDEVILLE,
conseiller au parlement de rouen.

À quel misérable état faut-il que je sois réduit de ne pouvoir répondre que de méchante prose aux vers charmants que vous m’avez envoyés ? Les souffrances dont je suis accablé ne me donnent pas un moment de relâche, et à peine ai-je la force de vous écrire, Laudantur ubi non sunt, cruciantur ubi sunt[1]. Vous me prenez à votre avantage, mon cher Cideville ; mais si jamais j’ai de la santé, je vous réponds que vous aurez des épîtres en vers à votre tour. L’amitié et l’estime me les dicteront, et me tiendront lieu du peu de génie poétique que j’avais autrefois, et qui m’a quitté pour aller vous trouver. Adieu, mon cher ami ; feu ma muse salue très-humblement la vôtre, qui se porte à merveille. Pardonnez à la maladie si je vous écris si peu de chose, et si je vous exprime si mal la tendre amitié que j’ai pour vous. Je salue les bonnes gens qui voudront se souvenir de moi.

Voltaire.
  1. Pensée de saint Augustin souvent employée par Voltaire. Voyez tome IX, les vers 169-70 du chant V de la Pucelle.