Correspondance de Voltaire/1724/Lettre 126

Correspondance de Voltaire/1724
Correspondance : année 1724GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 33 (p. 122-123).
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126. — À MADAME LA PRÉSIDENTE DE BERNIÈRES.

Septembre.

Je loge enfin chez vous, dans mon petit appartement, et je voudrais bien le quitter au plus vite pour en aller occuper un à votre campagne ; mais je ne suis point encore en état de me transporter. Les eaux de Forges m’ont tué. Je passe chez vous une vie solitaire ; j’ai renoncé à toute la nature ; je regarde les maladies un peu longues comme une espèce de mort qui nous sépare et qui nous fait oublier de tout le monde, et je tâche de m’accoutumer à ce premier genre de mort, afin d’être un jour moins effrayé de l’autre.

Cependant, par saint Jean, je ne veux pas mourir.

(J. -B. Rousseau, liv. I, épig. x.)

Je me suis imposé un régime si exact qu’il faudra bien que j’aie de la santé pour cet hiver. Si je peux vous aller trouver à la Rivière, je vous avoue que je serai charmé que vous y restiez longtemps ; mais, si je suis obligé de demeurer à Paris, je voudrais de tout mon cœur vous faire haïr la Rivière et vos beaux jardins. Les nouvelles ne sont pas grandes dans ce pays-ci. La mort du roi d’Espagne ne changera rien que dans nos habillements. On dit que le deuil sera de trois mois. M. d’Autrei se meurt[1] ; Mme de Maillebois aussi ; je suis sûr que vous ne vous en souciez guère.

  1. Henri Fabry de Moncault, comte d’Autrei, mort encore jeune, en 1730 ; père de Henri Fabry, comte d’Autrei, auquel est adressée la lettre du 6 septembre 1765