Correspondance de Voltaire/1724/Lettre 118

Correspondance de Voltaire/1724
Correspondance : année 1724GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 33 (p. 116-117).
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118. — À MADAME LA PRÉSIDENTE DE BERNIÈRES[1].

À Forges, ce vendredi au soir.

Il ne faut pas trop compter sur nos projets ; notre marche est encore changée : nous partons mardi prochain, quinzième du mois, et nous arriverons le même jour à Paris. Je comptais bien assurément vous revoir à la Rivière et vous y amener M. le duc de Richelieu ; mais j’éprouve depuis longtemps une destinée maligne qui dérange tous mes projets. Vous voyez bien que mon goût ne décide point du tout de ma conduite, puisque je ne reviens point auprès de vous. J’étais si charmé de la vie que je menais à votre campagne que partout ailleurs je me croirai dans un monde étranger. Faites en sorte du moins que le démon, qui m’empêche de coucher mardi à la Rivière, ne me fasse point passer la nuit dans la rue à Paris. Écrivez, je vous en prie, à votre tapissier qu’il me tienne un lit prêt chez vous mardi, sans faute, soit dans votre appartement, soit dans celui de M. de Bernières. Si vous avez quelques ordres à me donner pour Paris, je vous demande en grâce de ne me pas épargner. Je tâcherai d’adoucir le chagrin d’être loin de vous, par le plaisir d’exécuter avec exactitude ce que vous m’aurez ordonné. Le courrier va partir. Je n’ai pas le temps d’écrire à notre cher Thieriot ; dites-lui, je vous en prie, combien je suis fâché de ne le pas voir avant de partir. Je vous écrirai souvent à tous deux. Il n’a qu’à me charger de toutes ses commissions ; il aura en moi un très-fidèle correspondant. Je ne vous parle pas de ma santé ; je ne sais pas encore si elle est bonne ou mauvaise. Je salue M. de Bernières et ceux qui ont le bonheur d’être à la Rivière, à qui je vous assure que je porte envie.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.