Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 8-9/1988

Louis Conard (Volume 9p. 30-31).

1988. À SA NIÈCE CAROLINE.
[Croisset], mercredi [28 avril 1880].

Je suis encore tout ahuri de la Saint-Polycarpe ! Les Lapierre se sont surpassés !!! J’ai reçu près de 30 lettres, envoyées de différentes parties du monde ! et trois télégrammes pendant le dîner. L’archevêque de Rouen, des cardinaux italiens, des vidangeurs, la corporation des frotteurs d’appartements, un marchand d’objets de sainteté, etc., m’ont adressé leurs hommages.

Comme cadeaux, on m’a donné une paire de chaussettes de soie, un foulard, trois bouquets, une couronne, un portrait (espagnol) de saint Polycarpe, une dent (relique du saint), et il va venir une caisse de fleurs de Nice !

Un orchestre commandé a fait faux bond.

Épîtres de Raoul-Duval et de ses deux filles. Vers du jeune Brainne.

Toutes les lettres (y compris celle de Mme Régnier) avaient comme en-tête la figure de mon patron.

J’oubliais un menu composé de plats tous intitulés d’après mes œuvres.

Véritablement, j’ai été touché de tout le mal qu’on avait pris pour me divertir.

Je soupçonne mon disciple d’avoir fortement coopéré à ces farces aimables.

Je suis bien content que tu admires Boule de Suif, un vrai chef-d’œuvre, ni plus ni moins, et qui vous reste dans la tête.

N. B. — Procure-toi le numéro du Gil Blas paru mercredi. Il y a là, de Richepin, un jugement sur la bande Zola, qui est parfait. Que dis-tu de la dédicace du volume de vers de Guy ? N’est-ce pas que c’est gentil ?

Oui, mon pauvre loulou, l’autre semaine nous nous trimbalerons ensemble. Nous irons voir des expositions ! et je me rengorgerai au bras de ma fameuse nièce… Il faudra que tu restes avec moi au moins huit jours, et je suis sûr que tu n’auras pas avec moi le mutisme de la mère Desvilles.

Serai-je, dans dix jours, au point où je voudrais être avant de quitter Croisset ? J’en doute ! Et quand finira mon livre ? Problème. Pour qu’il paraisse l’hiver prochain, je n’ai pas d’ici là une minute à perdre. Mais, par moments, il me semble que je me liquéfie comme un vieux camembert, tant je me sens fatigué !

Huit jours de bavette avec l’altière Vasti me délasseront.

Adieu, pauvre chat, je t’embrasse bien fort.

Nounou.

Le portrait de Renan est parfait…

J’ai trouvé, à Sahurs, du CIDRE !!! qui doit être en route pour Paris.

J’attends vendredi ton mari à dîner.