Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 8-9/1973

Louis Conard (Volume 9p. 13-14).

1973. À GUY DE MAUPASSANT.
Nuit de mercredi [24 mars 1880].
Mon cher Bonhomme,

Je ne sais pas encore quel jour viendront ici Goncourt, Zola, Alphonse Daudet et Charpentier pour y déjeuner ou y dîner et coucher peut-être. Ce soir même ils doivent prendre leur décision que je saurai vendredi matin. Ce sera, je crois, lundi que je les recevrai. Si donc ton œil te le permet, transporte ta personne chez un desdits cocos, informe-toi de leur départ et arrive avec eux.

En admettant que tous passent à Croisset la nuit de lundi, comme je n’ai que quatre lits à offrir, tu prendras celui de la femme de chambre maintenant absente.

Commentaire : il m’est revenu tant de bêtises et d’improbabilités sur le compte de ta maladie que je serais bien aise, pour moi, pour ma seule satisfaction, de te faire examiner par mon médecin, Fortin, simple officier de santé, que je considère comme très fort.

Autre observation : si tu n’as pas le sol pour faire le voyage, j’ai un double louis superbe à ton service. Un refus par délicatesse serait de la canaillerie à mon endroit.

Dernière guitare : Jules Lemaître, à qui j’ai promis ta protection près de Graziani, se présentera à ton bureau. Il a du talent et c’est un vrai lettré, rara avis, auquel il faut donner une cage plus vaste que Le Havre.

Peut-être viendra-t-il lundi à Croisset ; et comme mon intention est de vous soûler tous, j’ai invité Fortin pour « prodiguer ses soins aux malades ».

Le festival manquera de splendeur si je n’ai pas mon disciple.

Ton vieux.