Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 8-9/1956

Louis Conard (Volume 8p. 395-396).

1956. À GUY DE MAUPASSANT.
[17 février 1880].

Ta lettre reçue ce matin me rassure beaucoup. Grâce à Raoul-Duval, le procureur général arrêtera les choses et tu ne perdras pas ta place.

J’éprouve le besoin de te f… des sottises, car tu donnes dans les potins, mon jeune homme. Quels sont-ils ces cancans autorisés par lesquels tu sais que Mme Adam, etc., et quelle confidence te soutenait que Nana serait saisi ? Comme si on pouvait saisir un volume déjà dispersé à cinquante mille exemplaires ! C’est comme l’autre jour quand tu prétendais que La Rochelle serait le directeur de l’Odéon ; pas du tout ! C’est La Rounat qui est nommé. Son nom est à l’Officiel depuis avant-hier. Ah ! attrape, et dorénavant sois plus sceptique, ô mon fils !

Quant à ma lettre pour le Gaulois, je crois de plus en plus qu’elle serait inutile. Tenons-nous, tiens-toi dans l’ombre maintenant. En tout cas, si vous croyez devoir la publier, recopiez-la-moi et renvoyez-la-moi pour que je recale.

Je parie que Charpentier va hésiter à faire paraître les Soirées de Médan ! Pas de réponse à ma quatrième réclamation faite dimanche dernier. Charmant ! Si la publication de ma pauvre Féerie continue de ce train-là, j’ai envie de lui envoyer un huissier pour le sommer de la suspendre.

Mais quelle mine font-ils à ton ministère ? Détails sur les personnages auxquels tu t’es adressé. D’ici à la terminaison heureuse de l’affaire, j’attends des lettres de toi, tous les jours, bougre d’obscène ! Tu me dois bien ça pour que je sois tranquille dans mon chapitre.

Je t’embrasse.

Use de tous les moyens d’intrigue possibles. Écoute les conseils du bon Duval, sans imiter, bien entendu, le catholique Barbey d’Aurevilly, bourreau des crânes et triple couillon.