Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 8-9/1922

Louis Conard (Volume 8p. 339-340).

1992. À LA PRINCESSE MATHILDE.
Dimanche [28 décembre 1879].
Ma chère princesse,

Je comprends votre indignation contre ces deux livres dont vous me parlez et que je ne connais pas ; d’abord parce que je comprends toutes les indignations, secondo parce que c’est vous qui êtes blessée, et troisièmement parce que j’aime la grandeur et que j’exècre ce qui l’outrage. Mais qu’y faire ? N’y plus songer, si l’on peut, est le seul remède. Méprisez donc tout cela et ne pensez qu’à vous et à vos amis (recommandation bien inutile).

Quand ce billet vous arrivera, il me semble qu’on sera un peu dégelé. Ce soir (ici du moins) le temps est moins froid, et il pleut. Je viens de passer un mois enseveli sous la neige, et menant l’existence du fossile appelé « l’Ours des Cavernes ». Aussi ai-je avancé ma besogne.

J’espère entamer mon dernier chapitre dans le milieu du mois prochain. Quand il sera fini je me précipiterai vers la rue de Berri et je compte rester longtemps à Paris, ou du moins m’en absenter fort peu pendant un an ou dix-huit mois.

Du livre de Goncourt, je ne connais que deux fragments. D’ailleurs, je ne lis rien du tout en dehors des livres relatifs à mon travail, et quels livres !!! des catéchismes et des apologétiques par MM. les Jésuites, élucubrations d’une lourdeur à tuer un rhinocéros ! Voilà les tourments que vous inflige la probité littéraire.

Que 1880 vous soit léger, ma chère Princesse ! Personne plus que moi ne fait des vœux pour votre bonheur.

Votre très dévoué, qui vous baise les deux mains.