Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 8-9/1892

Louis Conard (Volume 8p. 303-304).

1892. À LA PRINCESSE MATHILDE.
Croisset, par Déville, mercredi [septembre 1879].
Ma chère Princesse,

Je n’ai rien à vous dire, si ce n’est que je voudrais bien recevoir quelques lignes de cette écriture dont la vue me cause toujours un mouvement de joie.

Comment allez-vous ? Quels sont maintenant les hôtes du bon Saint-Gratien ? Avez-vous toujours le fils de la princesse Julie ? Rien n’est plus agréable et charmant que ce jeune homme ! On l’aime tout de suite. C’est si beau la jeunesse, quand elle est sincère, c’est-à-dire franche et brave !

Aucun événement n’a, depuis bientôt trois semaines, interrompu la platitude de mes journées. Comme distraction, j’ai eu la visite inattendue de Mario Uchard nommé (je ne sais pourquoi) entrepositaire des tabacs à Rouen. Il y passe tous les mois trois jours, de sorte que je suis menacé de le voir à l’échéance fin de mois, régulièrement. Heureux homme celui-là ! Il est content de ses œuvres !

La semaine dernière, j’ai exécuté une vieille promesse : j’ai été au Vaudreuil, chez Raoul Duval, pendant vingt-quatre heures, ce qui m’a dérangé pour trois jours.

Ma nièce est à Étretat, pour voir un peu si l’air salé lui redonnera des forces, et je suis seul, comme je le serai tout l’hiver. Maintenant je lis des livres de Dévotion modernes qui sont ineffables de stupidité. On n’a pas l’idée de ça ; j’en suis gorgé. Aussi, dans deux ou trois jours, je me remets à écrire.

Ce soir la pluie tombe ; c’est la fin des beaux jours. Il y a longtemps que les miens sont passés ! Je n’en trouve plus de bons que chez vous, Princesse,

et je vous baise les deux mains, en me disant tout à vous,

Votre fidèle et dévoué.

— Amitiés, je vous prie, aux amis et surtout à votre Marie et à Popelin.