Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 8-9/1807

Louis Conard (Volume 8p. 207-208).

1807. À GEORGES CHARPENTIER.
Croisset, dimanche [16 février 1879].
Mon cher Ami,

Je ne suis pas injuste, parce que je ne suis pas fâché contre vous et ne l’ai jamais été. Seulement j’ai trouvé que vous auriez dû me dire tout de suite carrément que l’affaire ne vous convenait pas. Alors je me serais adressé ailleurs. Cela dit, n’en parlons plus et embrassons-nous.

Je désirais mettre à la suite de Saint Julien le vitrail de la cathédrale de Rouen. Il s’agissait de colorier la planche qui se trouve dans le livre de Langlois, rien de plus. Et cette illustration me plaisait précisément parce que ce n’était pas une illustration, mais un document historique. En comparant l’image au texte on se serait dit : « Je n’y comprends rien. Comment a-t-il tiré ceci de cela ? ».

Toute illustration en général m’exaspère, à plus forte raison quand il s’agit de mes œuvres, et de mon vivant on n’en fera pas. Dixi. C’est comme pour mon portrait, entêtement qui a failli me brouiller avec Lemerre. Tant pis. J’ai des principes. Potius mori quam foedari.

La Bovary m’embête. On me scie avec ce livre-là. Car tout ce que j’ai fait depuis n’existe pas. Je vous assure que, si je n’étais besoigneux, je m’arrangerais pour qu’on n’en fît plus de tirage. Mais la nécessité me contraint. Donc, tirez, mon bon ! Quant à l’argent, pas n’est besoin de me l’envoyer ici. Vous me le donnerez quand je viendrai à Paris. Une observation : vous dites mille francs pour deux mille exemplaires, ce qui remet l’exemplaire à dix sols. Il me semble que vous me donniez douze, ou même treize sols, par exemplaire ; mais je peux me tromper.

Autre guitare. Le 10 août prochain expire mon traité avec Lévy. Je rentre en possession de l’Éducation sentimentale. Je voudrais bien en tirer quelques subsides.

Je n’ignore pas tout ce que les amis ont fait pour moi, dernièrement. Remerciez bien Mme Charpentier et prenez pour vous, mon cher ami, la moitié des remerciements.

Je savais par ma nièce qu’elle va mieux. Embrassez-la pour moi, ainsi que les mioches, et qu’elle vous le rende.

J’ai encore pour longtemps à garder la chambre. Ça a été très grave. Je ne peux pas écrire, ayant la tête vuide, mais je me crève de lectures (de la métaphysique et du spiritisme).