Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 8-9/1783

Louis Conard (Volume 8p. 178-179).

1783. À SA NIÈCE CAROLINE.
[Croisset], nuit de samedi [Début de janvier 1879].

[.....] Non ! Vieux n’est pas gai ! Vieux n’est pas gai ! Il serait temps d’avoir des idées plus folichonnes. Quand sera-ce ? Quand le « soleil reluira », comme tu dis. Mais reluira-t-il ?

Je crois que la métaphysique ne contribue pas médiocrement à ma sombreur. Ce défilé d’absurdités est vraiment attristant ! J’ai rarement travaillé sur des matières plus ardues. C’est un « cassement de tête », comme disent les bonnes gens ; et j’en ai encore pour longtemps ! Le bon Pouchet m’a envoyé un nouvel ouvrage sur Berkeley ; j’en alterne la lecture avec celle de Kant et d’un résumé de philosophie matérialiste par Lefebvre, lequel déchire ces pauvres sceptiques. Pour me récréer, j’étudie le Catéchisme de persévérance de Gaume et la Gymnastique d’Amoros. Voilà tout !

Ce brave P. Didon voulant suivre mes conseils ! Encore un disciple de plus ! c’est drôle.

Parmi les cartes de visites, envoie-moi celle de Ziéger pour que je sache son adresse ; c’est le mari de l’Alboni. Je tiens à lui rendre sa politesse.

Vois ce qu’est la brochure ; tu m’en écriras le titre.

J’ai reçu des lettres du jour de l’an de la Princesse (qui s’informe de toi), de Goncourt et de Daudet (celle-là exquise et farce). J’oubliais Mme Régnier, qui ira à Paris vers le 15 courant. Julie se loue beaucoup « des bontés » que tu as eues pour elle. La jeune Suzanne re-sourit plus amicalement que jamais et me sert très bien. Le temps est doux et Monsieur brûle moins de bois ; il va présentement se coucher, car les yeux me cuisent et ma pauvre cervelle n’en peut plus.

Bon courage, ma chère, et bonne santé. Ne t’éreinte pas trop à tes changements.

Ta vieille Nounou.

Tu m’écriras souvent, n’est-ce pas ? Tes lettres me seront une grande distraction dans ma solitude.