Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 8-9/1715

Louis Conard (Volume 8p. 90-91).

1715. À GUY DE MAUPASSANT.
Croisset. [Entre le 5 et le 10 novembre 1877.]

Vous vous donnez bien du mal pour moi, mon cher ami, et je vous en remercie fort, mais votre lettre de ce matin n’a fait qu’accroître mes perplexités. Bref, après avoir toute la journée réfléchi à la chose, je me décide pour le parti suivant : Je fais aller Bouvard et Pécuchet jusqu’à Fécamp. Ils voient, un peu après le « Trou au Chien », les grottes de Senneville ; puis se présente la valleuse de Senneville et, une lieue plus loin, celle d’Élétot, qui est très facile à monter. De cette façon j’ai très peu de descriptions à faire et mes personnages (dialogue et psychologie) restent au premier plan.

La côte d’Étretat est trop spéciale et m’entraînerait dans des explications encombrantes. Dimanche soir, j’espère avoir fini mon abominable chapitre des sciences ! Ouf !

Vous seriez bien aimable de me donner de vos nouvelles, mon cher bonhomme. Comment vont les vers et le reste ? Je ne sais rien du tout de mes amis.

N’avez-vous pas été réjoui comme moi par les vaines tentatives de Pouyer-Quertier, dit « l’Hercule de Martainville » ? Est-il assez farce ? Et notre Bayard arrive à des proportions ineffables. Je trouve qu’il ressemble à Charles X, ne serait-ce que par le côté de la chasse et de la religion !

Albert Millaud décoré !!! Paul Féval frappant aux portes de l’Académie française ! Allons ! Il y a encore de quoi rire !

Votre vieux vous embrasse.

L’aumônier du petit collège de Rouen (Joyeuse), ancien vicaire de Grand-Couronne, vient d’enlever une jeune fille. Tous les deux ont disparu. Mais rien comme grotesque ne vaut Pouyer, « l’Alcide du Ruissel », tâchant, par la force de son génie, de sauver la société, et y renonçant au bout de vingt-quatre heures !