Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 8-9/1704

Louis Conard (Volume 8p. 74-75).

1704. À SA NIÈCE CAROLINE.
Croisset, lundi soir, 10 heures, 17 septembre 1877.
Mon Loulou,

Me voilà revenu depuis tantôt, à 4 heures. Demain j’attends Laporte qui m’apportera son travail ; il dînera et couchera ici. Puis après-demain, mercredi, nous filerons vers Séez. Quand serai-je revenu ? Je n’en sais rien au juste. Car je voudrais cette fois en finir avec mes excursions de Bouvard et Pécuchet, et n’être pas obligé de retourner dans leur pays.

Écris-moi à Caen, poste restante.

Mon retour ici n’a pas été si amer que les autres fois ? Pourquoi ?

J’ai trouvé tout en bon état, Julio très propre. Son nouveau collier le rend superbe. La jeune Clémence m’avait (par mes ordres) préparé ung bain qui m’a fait grand bien.

Comme il y a longtemps que nous ne nous sommes vus, ma pauvre fille ! Et peut-être allons-nous être encore une quinzaine ! Il me semble que ton voyage t’a fait du bien. La migraine qui t’avait prise au départ des Eaux-Bonnes n’a donc pas eu de suite ? Car tu n’en parles pas dans ta lettre de samedi.

Je suis curieux de savoir ce qui résultera de l’incendie de la scierie Le Mire, relativement aux affaires. Pour le moment, c’est bon ; mais par la suite ? Problème. Espérons que d’ici à ce qu’elle soit réédifiée, celle de la rue de l’Entrepôt marchera !

Puisque tu lis de la littérature légère, je te recommande premièrement de te repaître des Amours de Philippe, par Octave Feuillet. Je mettrai le volume dans ta chambre.

Mais ma plus grande recommandation est de te livrer, dès ton retour, à une peinture frénétique. L’Art avant tout, mon bibi, l’Art avant tout.

D’après mon calcul, vous devez arriver à Paris demain soir. Cette lettre vous y souhaitera la bienvenue.

Adieu, pauvre chère fille, ta Nounou t’embrasse tendrement et va se coucher.