Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 7/1613
Je m’ennuie de vous ! Voilà tout ce que j’ai à vous dire. Le bon mouvement qui vous a poussée à me revoir, après tant d’années, doit avoir des suites. Ce serait de la cruauté maintenant que de recommencer votre oubli. Et d’abord écrivez-moi, dites-moi ce que vous devenez, vous et vos splendides enfants. Puis, cet hiver, il faudra revenir à Paris et y passer toute une saison. Dolly en a besoin pour ses études scientifiques et Éveline pour son chant.
J’ai fini le Cœur simple, et si mon illustrateur daigne l’entendre, je suis tout prêt cet hiver à lui en faire la lecture, en y mettant tous mes talents de comédien.
Oui, chère Gertrude, la vie est si courte qu’il faut la passer autant que possible avec ceux qu’on aime. Voulez-vous qu’au mois de janvier Caroline vous cherche un appartement à louer ? Amenez votre cuisinier ou cuisinière ; cela vous sera plus commode et moins dispendieux. Faites cela ! do ! pray !
Comment vous dire le plaisir que m’a fait votre visite, votre réapparition ? Il m’a semblé que les années intermédiaires avaient disparu et que j’embrassais ma jeunesse. C’est le seul événement heureux qui me soit advenu depuis bien longtemps. Que Dieu vous bénisse pour cette bonne pensée !
J’ai passé tout mon été à travailler ; sauf quinze jours chez la Princesse Mathilde, à Saint-Gratien, je n’ai pas bougé de Croisset, et j’y resterai jusqu’au jour de l’an, pour avoir fini plus tôt ma Décollation de saint Jean-Baptiste, que je vais commencer la semaine prochaine.
Et vous ? Donnez-moi des détails sur tout ce qui vous intéresse. Vous ferez plaisir à votre vieil ami qui vous embrasse.