Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 7/1608

Louis Conard (Volume 7p. 346-347).

1608. À SA NIÈCE CAROLINE.
Paris, lundi matin, 11 septembre 1876.

Certainement, ma chère fille, dans huit jours je serai revenu dans le bon Croisset ! La première de Daudet est, maintenant, ce qui me retarde. Elle est annoncée pour jeudi, mais ce ne sera pas avant samedi. Tu as raison ! Daudet s’abaisse dans la compagnie de Belot.

Il est très probable que le Moscove reviendra avec moi. Comme je ne crois pas qu’il puisse (vu sa taille gigantesque) coucher dans un des lits de la chambre à deux lits, je coucherai dans mon cabinet sur mon divan ; avec un matelas on y est très bien. (Quant au lit de la chambre d’Ernest, il n’y faut pas songer, car il est trop court pour moi.) De cette façon-là, personne ne sera dérangé.

Du reste, le Moscove ne fait jamais de longs séjours.

Vieux avait raison de considérer comme sérieux ton mal de pied. Aux pieds, tout est grave ! Suis les prescriptions de Fortin, et ne bouge pas de ta chaise-longue.

J’ai acheté des livres pour Hérodias et je suis présentement sans le sol. Donc, il faut qu’Ernest m’envoie pour vendredi ou samedi 200 francs ; car j’ai plusieurs petites dettes à payer et ne saurais comment m’en retourner. Il faudrait que j’emprunte (ou empruntasse) à des amis.

Je re-suis en correspondance avec Raoul Duval au sujet de Guy, qui désire faire le feuilleton dramatique dans la Nation, et je le verrai prochainement soit ici, soit à Croisset. Dans le courant du mois prochain j’y aurai un dimanche la visite de Guy.

Si c’était une autre que toi, je te plaindrais de la solitude où tu vas être pendant trois ou quatre jours (car je suppose qu’Ernest est à Dieppe), mais ma pauvre fille sait vivre toute seule, ayant l’intelligence ornée.

En fait de livres, je t’en apporterai un beau sur la dévotion moderne.

Allons, à bientôt ; nous reprendrons nos fortes conversations.

Ta vieille Nounou qui t’aime.