Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 7/1542
J’ai été un peu étonné ce matin, pauvre Caro, de ne pas voir dans ta lettre l’annonce de ton retour. Sera-ce pour samedi ? Je serai plus instruit demain, sans doute. Mon existence se passe à espérer le lendemain.
Enfin, espérons qu’à la fin de la semaine prochaine les Suédois se décideront à signer un arrangement ! Mais l’arrangement conclu (en admettant qu’il le soit), avec quoi Ernest pourra-t-il travailler ? N’est-ce pas reculer pour mieux sauter ?
Demain, j’irai dîner à Rouen chez Lapierre, à pied, par le bord de l’eau ; ça me fera une promenade.
Ce M. Sabatier, qui doit épouser Frankline, est un ami de Georges Pouchet. Tu dois être contente en pensant que ton amie habitera Paris. Que va devenir la pauvre mère Grout ? Comme je la plains !
Enfin, voici la pluie qui cesse et le soleil se montre ! Il brille sur l’eau, les voiles blanches passent doucement. C’est exquis ! Et songer que bientôt, peut-être, il faudra quitter tout cela ! Je ne peux pas m’habituer à cette idée ! Nous en causerons la semaine prochaine.
Ah ! oui, pauvre fille, je souffre, et plus que je ne saurais dire. Hier au soir, pourtant, j’ai passé deux heures autour de Bouvard et Pécuchet. Je n’ai rien fait, mais enfin je me suis occupé d’autre chose que des affaires.
Tu es bien gentille, toi, pleine de raison et de tendresse ! Tu fais bien de m’aimer, du reste. Je mérite de l’être, vrai.
Allons ! à samedi, sans doute. Laisse là ton emménagement et viens embrasser