Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 7/1376

Louis Conard (Volume 7p. 26-27).

1376. À SA NIÈCE CAROLINE.
Croisset, mercredi, 1 heure. [18 juin 1873].
Mon Loulou,

Jusqu’à présent, tu ne m’as pas l’air de t’amuser beaucoup dans ton voyage. Et j’aime à croire que tu regrettes un peu le pauvre Croisset et la société de Vieux. Laisse-moi cette illusion ! Je ne suis pas cependant assez égoïste pour ne point te souhaiter un changement d’humeur. Il aura lieu avec le changement de temps. Maintenant il fait beau, ici du moins, et les orages paraissent s’en aller.

L’éditeur Charpentier m’a annoncé hier qu’il viendrait me voir vendredi. Je suis toujours fort incertain de savoir ce que je ferai. Je lui ai promis les suppléments en question et je regrette ma promesse. Cependant… bref, je change d’avis là-dessus vingt fois par jour.

Putzel va très bien et me tient compagnie pendant presque toute la journée. Mais dès que je caresse Julio, elle entre en fureur. Hier, elle a sauté dessus comme un bouledogue et l’a mordu au museau. Julio n’a pas eu l’air de s’en apercevoir et est retourné se coucher sur le divan.

Lundi j’ai été à Rouen, payer mes cadres et m’acheter des torchons et des chaussettes. On m’a retenu à dîner chez les Lapierre où j’ai vu l’illustre Tavernier, belles moustaches. Laporte m’a envoyé l’Antechrist de Renan, sachant que j’avais envie de le lire et que mon exemplaire devait être resté à Paris. Je suis attendri par les aimables procédés de ce brave garçon. Depuis hier au soir, j’ai donc expédié ce volume qui m’a charmé. Je vais me remettre à mes lectures pour B. et P., lesquelles sont moins drôles. Pas de nouvelles de Carvalho. S’il persévère encore deux jours dans son mutisme, je lui re-écrirai.

J’embrasse mon Caro.

Nounou.