Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 6/1175

Louis Conard (Volume 6p. 235-236).

1175. À SA NIÈCE CAROLINE.
Mercredi, [10 mai 1871].
Pauvre cher Loulou,

J’espère que tu tiendras l’engagement que tu nous donnes dans ta lettre d’hier et que, de dimanche en huit, tu viendras nous voir avec Ernest. Je crois qu’il serait plus sage, pour établir les peintres dans la maison, d’attendre que nous n’y soyons plus. L’insurrection de Paris aura un terme ! Alors, j’irai revoir cette malheureuse ville. Pendant ce temps-là ta grand’mère pourrait bien aller chez toi. Ce sera le moment de faire venir les peintres.

Les nouvelles de ce matin sont bonnes. Je n’ose tout à fait m’en réjouir. Nous avons été si souvent trompés ! Mais il me semble pourtant que nous touchons à la fin.

En fait de nouvelles, le citoyen Eugène Crépet a loué, pour six mois, la maison de la mère Lebret. Jeudi, j’ai eu à déjeuner le philosophe Baudry, que j’avais fait venir exprès, afin qu’il m’expliquât un point de philosophie indienne que je croyais ne pas comprendre. Je le comprenais très bien, mais j’allais faire une balourdise de botanique énorme, car je me disposais à mettre dans l’Inde des végétaux qui appartiennent à l’Amérique ! Hier j’ai eu la visite de trois anges : Mme Lapierre, Mme Brainne et Mme Pasca (du Gymnase). Néanmoins, j’ai refusé d’aller dîner à Rouen, chez elles, samedi prochain. Ce sera assez d’y déjeuner chez Baudry… Je ferai une visite, peu gaie, à Mme Perrot, la mère de Janvier ! Voilà tout ce que j’ai à t’apprendre, mon pauvre loulou.

Ta grand’mère ne va pas mal. Je la trouve mieux qu’il y a un mois. Croisset est charmant. Je suis content de Duval, le jardinier. Tu sais que c’est moi qui tiens les comptes de la maison !

J’espère éblouir ton mari par ma « Balance du Commerce… »

Adieu, ma chère Caro je t’embrasse bien fort.

Tu avais raison : Mme Viardot n’est pas morte. Tourgueneff m’a répondu une lettre fort gentille.

Ma pauvre Princesse m’a l’air de plus en plus désespérée. Elle a l’intention de quitter Bruxelles, d’ici à quelques semaines, et d’aller vivre en Italie.

Peux-tu me lire la seconde ligne de son adresse et me la recopier lisiblement ?