Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 6/1125

Louis Conard (Volume 6p. 150).

1125. À SA NIÈCE CAROLINE.
Jeudi, 4 heures [15 septembre 1870].
Mon pauvre Caro,

Tu es bien gentille de nous écrire si souvent ! Continue.

Sous ta résignation apparente, tu me sembles avoir une grande inquiétude. Épanche-toi avec ton pauvre Vieux, ma chère fille.

Je suis devenu plus calme. Je reste enfermé toute la journée et, seul, je m’abandonne à tout mon chagrin. J’ai essayé plusieurs fois de travailler : impossible ! Le pire, c’est l’heure des repas.

Demain matin, nous aurons à déjeuner Bataille, qui m’a l’air très philosophe.

Ernest travaille-t-il encore ? Je croyais que tu serais partie pour l’Angleterre, hier.

Si au moins nous étions ensemble ! La vue de ta bonne mine me ferait du bien.

Paris est décidé à la résistance quand même, et les Prussiens vont refluer sur la province. Cela me paraît immanquable. C’est une question de temps. Rouen est décidé à céder tout de suite ; mais le département se défendra… Comment ?

Adieu, pauvre chérie. Bon courage, je t’embrasse bien fort.

Ton Vieux.

Je vais m’équiper pour l’exercice[1].


  1. Flaubert avait été nommé lieutenant de la garde nationale de Croisset.