Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 6/1076

Louis Conard (Volume 6p. 87-88).

1076. À PHILIPPE LEPARFAIT.
[16 octobre 1869.]

« Un peu sèche » (ta lettre) ? Non ! pas assez raide. Nous ne risquons rien d’être rébarbatifs. Au contraire ! ils nous embêtent, emm…-les !

Donc tu vas me recopier tout de suite la lettre destinée à être montrée, en faisant un autre préambule, en enlevant l’alinéa relatif à Duquesnel, en y intercalant ce que j’ai marqué d’une barre longitudinale dans l’autre lettre (celle sur papier bleu). Tu peux même insister davantage sur le tort pécuniaire que ça te fait. — Enfin, au mot avance, récrie-toi : « Parbleu ! J’en trouverai, chez Porcher, des avances ! Je remercie ces messieurs de me faire crédit… » et montre-toi très blessé. Cependant, que ta lettre soit dans des termes polis et publiable au besoin. Fais l’éloge de Berton et trépigne légèrement les autres pour montrer que lui seul nous importe, ce qui est vrai.

Je l’ai vu tantôt au convoi de Sainte-Beuve ; tu n’as pas l’idée de son exaspération.

Il traite Chilly d’idiot. Il écume. Ces messieurs ont été (je le sais par lui) terrifiés de mon calme. J’ai bien pensé à les assommer. Mais ça aurait pu avoir des inconvénients, même pour la pièce. Ils se mordent les pouces, ils sont très penauds.

Après tout, c’est peut-être un retard de douze ou quinze jours, tout au plus. Si les deux pièces qui nous précèdent allaient faire four, nous serions joués en février. Il est inouï, dans les fastes théâtraux, que trois pièces de suite aient du succès. N’importe, ça me chagrine, pour toi d’abord et puis pour les autres publications. Envoie-moi ce que j’attends illico.

Tout à toi.

Embrasse ta mère et qu’elle te le rende de ma part.