Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 6/1056

Louis Conard (Volume 6p. 62-63).

1056. À SA NIÈCE CAROLINE.
Paris, lundi soir [fin août 1869].
Mon Bibi,

Tu commenceras par remercier ton mari de la démarche qu’il a faite près de ma mère. Je lui en suis très reconnaissant. La pauvre bonne femme a maintenant si peu de bonheur dans le monde, que la plus petite marque d’attention à son endroit est un véritable acte de charité. Elle est, d’ailleurs, très sensible aux bons procédés (et aux mauvais aussi). Enfin vous l’avez rendue bien heureuse, elle me l’a écrit tout de suite.

Quant à moi, ma chère Caro, je n’ai pas été en Angleterre parce que, entre nous, j’ai eu d’assez fortes coliques qui ne me permettaient pas de me mettre en voyage ; mais n’en dis rien à ta grand’mère, je t’en prie, elle s’inquiéterait. Ma maladie grotesque est enfin passée, ou à peu près : c’est, je crois, l’effet de la chaleur. Je la supporte moins bien qu’autrefois, preuve que je vieillis ; je tourne au scheik.

Je compte être revenu à Croisset dimanche ou lundi prochain.

Là, je vais me livrer à un travail acharné jusqu’au mois de février.

Croirais-tu que je m’ennuie de ne pas écrire ?

Tu dois t’amuser, maintenant, avec tes deux bonnes amies. Dis-leur de ma part (à une surtout) tout ce que tu pourras trouver de plus aimable. Qué chaleur ! j’en tombe sur les bottes ! je sue comme une éponge ! écris-moi quand ça ne t’ennuiera pas, mon pauvre loulou.

Je baise tes deux bonnes joues tendrement.

Ton vieux ganachon d’oncle qui t’aime.