Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 5/0995

Louis Conard (Volume 5p. 409-410).

995. À JULES DUPLAN.
[Croisset, septembre-octobre 1868].
Cher bon Vieux,

Voilà ce qui m’arrive : j’avais fait un voyage de Fontainebleau avec retour par le chemin de fer, quand un doute m’a pris et je me suis convaincu, hélas ! qu’en 1848 il n’y avait pas de chemin de fer de Paris à Fontainebleau. Cela me fait deux passages à démolir et à recommencer ! Je vois dans Paris-guide (t. I, p. 1660) que la ligne de Lyon n’a commencé qu’en 1849. Tu n’imagines pas comme ça m’embête ! J’ai donc besoin de savoir : 1o comment, en juin 1848, on allait de Paris à Fontainebleau ; 2o peut-être y avait-il quelque tronçon de ligne déjà fait qui servait ? 3o quelles voitures prenait-on ? 4o et où descendaient-elles à Paris ? Voici ma situation : Frédéric est à Fontainebleau avec Rosanette ; il apprend la blessure (c’est le 25 juin) et il part pour Paris avec Rosanette qui n’a pas voulu le lâcher. Mais en route la peur la reprend et elle reste. Il arrive seul à Paris où, par suite des barricades Saint-Antoine, il est obligé de faire un long détour avant de pouvoir atteindre au logis de Dussardier, qui demeure dans le haut du faubourg Poissonnière.

Te rappelles-tu la binette des ambulances ? S’il te revient à la mémoire quelques détails sur les nuits de Paris, cette semaine-là, envoie-les-moi.

Mon héros vagabonde dans les rues pendant la dernière nuit, celle du 25 au 26 (c’est le 26 que tout a été fini).

Maintenant, tu comprends la chose comme moi-même. Tâche de me trouver des renseignements précis, tu seras bien gentil.

Mon bougre de roman m’épuise jusqu’à la moelle. J’en suis fourbu ! j’en deviens sombre.

En 48, le chemin de Corbeil à Paris était ouvert. Reste à savoir comment aller de Fontainebleau à Corbeil. Mais ce n’est pas la route.