Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 5/0899
Non, ma chère amie, je ne vous oublie pas !
Si mes épîtres sont rares, c’est que je n’ai rien à vous dire, voilà tout ! Que faut-il faire pour vous calmer ? Dites-le !
Au reste (ou du reste), j’irai vous porter mes excuses, moi-même, du 20 au 23 courant.
Mme Sand est encore à Nohant et en reviendra je ne sais quand.
M. Levallois est trop aimable ; qu’il ne se gêne nullement et publie dans son volume son article sur Salammbô. Il ne m’avait pas blessé, mais irrité, à cause des idées historiques qui, selon moi, étaient fausses. Je ne prétends imposer à personne mon opinion et serais fâché qu’on me fît des sacrifices.
En fait d’opinions, je crois que mon présent livre les révoltera toutes, mais cela tient au sujet même. Tant pis, après tout ! et à la grâce de Dieu !
Je vous félicite de passer dans l’Opinion Nationale après l’Exposition.
D’ici à l’hiver prochain, il ne faut rien publier, tout va être pris par les machines et les bottes sans coutures. Aussi MM. les gens de lettres, jaloux des industriels, se sont mis à « faire un ouvrage pour l’Exposition ». Les phrases s’alignent à côté des clysopompes. Vive le progrès !
Tenez-vous en joie. Je vous baise sur les deux côtés de votre joli col, et suis vôtre.