Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 5/0871

Louis Conard (Volume 5p. 242-243).

871. À SA NIÈCE CAROLINE.
Croisset, samedi soir [6 octobre 1866].

Je trouve que ma belle nièce oublie un peu son Bourg-Achard et prétends par cette épître me rappeler à sa tendresse. Oui, mon pauvre loulou, je m’ennuie de toi. Je n’ai pas autre chose à te dire : il me tarde de revoir ta bonne mine. Ta compagnie me sera aussi agréable que celle de mon petit neveu et de ma petite nièce, lesquels ont fait, trois dîners consécutifs, tant de vacarme à table que le cœur m’en battait de malaise nerveux. Je deviens scheik, le bruit m’incommode.

Sais-tu de qui j’ai reçu tantôt la visite ? De M. et Mme Cloquet. Ils revenaient du Tréport, et n’ont pas voulu, malgré mes instances, coucher à Croisset ni même y dîner. Nous aurons demain à dîner Fortin et son épouse avec Laporte, et peut-être Bataille, le conseiller d’État.

Voilà toutes les nouvelles d’ici.

La pièce de Monseigneur passera dans les derniers jours de novembre.

Le petit Duplan a dû s’embarquer hier matin pour Alexandrie.

Je continue à travailler comme un bœuf.

J’ai recopié cette semaine tout ce que j’ai écrit depuis mon retour de Dieppe. Cela fait vingt-trois pages. Mon roman en est à la cent soixante-dixième ; il doit en avoir cinq cents ! Quelle perspective ! Aussi il y a des moments où je tombe sur les bottes !

Quand reviens-tu ? Est-ce mercredi ou jeudi ? Ta grand’mère se porte bien, mais elle devient bien sourde.

Adieu, pauvre chérie. Amitiés à Ernest, je t’embrasse.