Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 5/0864
Vous m’avez écrit, mademoiselle et amie, une très aimable lettre, pleine de reproches que je n’admets pas. Pouvez-vous croire que je vous oublie ? Vous savez bien que non !
Mais que vous aurais-je dit dans ces derniers temps, au milieu de toutes les tuiles domestiques qui me sont tombées sur le chef et ont singulièrement troublé « le silence du cabinet » ?
Caroline vous a parlé de la maladie de ma mère. Je la (la se rapporte à ma mère, j’écris comme un bon auteur) conduis demain à Ouville. On espère que l’air marin achèvera de la rétablir ; mais elle souffre encore beaucoup, et c’est bien pénible à voir.
Je crois que vous vous trompez, quant à Nefftzer ? C’est un bon diable, il se [sic] publiera. Que faites-vous en attendant ?
Quant à moi, je travaille comme trente nègres, mais je me suis embarqué dans un sujet inextricable par sa simplicité et son abondance. Plus je vais, moins j’ai de facilité. J’ai passé hier dix heures consécutives pour faire trois lignes, et qui ne sont pas faites ! « Qué folie ! », comme eût dit feu défunt Grassot.
Je ne sais aucune nouvelle, ne vois personne et ne lis rien. J’ai pourtant avalé dernièrement les deux volumes posthumes du pignouf appelé Proudhon. Un peu de colère, de temps à autre, n’est pas nuisible à la santé.
Il nous a été impossible de découvrir, dans le volume de poésies chinoises, la pièce que vous dites. Votre indication est vague ; je crois que vous faites confusion.
Mme Commanville part après-demain pour Saint-Martin, d’où elle reviendra à la fin de la semaine prochaine.
Nous comptons sur votre visite dans les derniers jours de ce mois-ci. Tenez-vous en joie ! Bonne pioche, et bien que vous m’appeliez monsieur, je vous baise sur les deux côtés de votre charmant col, et suis
J’ai vu dernièrement le père Pottier. Toujours Hoffmannesque.