Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 5/0827

Louis Conard (Volume 5p. 189-190).

827. À LA PRINCESSE MATHILDE.
[Croisset, jeudi soir [1865].]
Madame et Princesse,

Vous avez dû depuis deux mois me trouver le plus oublieux et le plus sinistre des mortels. Comment ne pas vous remercier tout de suite d’un pareil cadeau, s’il m’était parvenu[1] ?

Voila deux jours que je vais à Rouen tout exprès et, après de minutieuses recherches faites sous mes yeux, dans les deux gares, on m’a répondu comme on l’avait fait tout d’abord, qu’on n’avait rien reçu pour moi. La caisse sans doute est restée à Paris. On me demande la date précise de l’envoi, le bulletin, etc. J’ai vu le moment où on allait exiger de moi un certificat de moralité !

Êtes-vous bien sûre que la personne chargée de porter la caisse rue d’Amsterdam se soit acquittée de la commission intelligemment ? Mais que Votre Altesse ne se préoccupe pas de tout cela. La semaine prochaine, dès mon arrivée (après avoir eu l’honneur et le plaisir de vous faire une visite), je me transporterai dans les bas fonds du chemin de fer, décidé à m’y porter aux dernières violences.

Je suis comme vous, très angoissé relativement à Mlle Henriette[2].

Je vous remercie beaucoup de la bonne place que vous m’offrez pour l’entendre.

Permettez-moi, Madame et Princesse, de vous baiser la main et de vous assurer que je suis votre très respectueux et très affectionné

G. Flaubert.

  1. Aquarelle exécutée par la Princesse.
  2. Henriette Maréchal, pièce de MM. de Goncourt. Représentée le 5 décembre sur la scène du Théâtre-Français, cette pièce, violemment attaquée par la presse, fut par ordre retirée de l’affiche à la sixième représentation.