Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 5/0781

Louis Conard (Volume 5p. 131-132).

781. À EDMOND ET JULES DE GONCOURT.
Nuit de lundi, 3 h.
[Paris, fin février-début de mars 1864].
Mes Bichons,

Mademoiselle Bosquet m’écrit pour me demander s’il vous est agréable qu’elle vous fasse un article dans le Journal de Rouen. Elle admire grandement votre livre[1].

Et moi aussi, car je viens de le lire ou plutôt de le dévorer en entier et d’une seule haleine (depuis 9 h. du soir). Ça m’a charmé. Voilà tout ce que je puis dire maintenant. Ce qui me reste le plus dans la tête, c’est le portrait de l’abbé, celui d’Henri et la mort de Renée. Quel charmant être que cette jeune fille-là !

Ce volume m’a l’air roide, dites donc. Je vais maintenant le relire posément.

Mais c’est l’exemplaire de Bouilhet que j’ai reçu. Où est le mien ?

Comme ça s’enchaîne ! Quel mouvement ! Et il y a des morceaux chouettes, des portraits classiques. Le dialogue au commencement entre les deux époux, exquis ; le duel, superbe, etc.

J’ai été irrité plusieurs fois par des imparfaits dans la narration. Sont-ce des fautes typographiques ou bien est-ce intentionnel ?

Adieu. Je n’en puis plus ; je vous prends sur ma table de nuit et je vous relis.

Tendresses de votre vieux.

Oui, s… n… d. D… c’est bien, très bien ! J’ai franchement ri à deux ou trois places et mouillé à quelques autres (comme un bourgeois). Comme vous avez de talent et d’esprit et comme je vous aime !


  1. Renée Mauperin.