Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 5/0752
Je viens de lire votre article sur Salammbô, paru dans la Revue Contemporaine le 31 décembre 1862. Malgré l’habitude où je suis de ne répondre à aucune critique, je ne puis accepter la vôtre. Elle est pleine de convenance et de choses extrêmement flatteuses pour moi ; mais comme elle met en doute la sincérité de mes études, vous trouverez bon, s’il vous plaît, que je relève ici plusieurs de vos assertions.
Je vous demanderai d’abord, Monsieur, pourquoi vous me mêlez si obstinément à la collection Campana, en affirmant qu’elle a été ma ressource, mon inspiration permanente ? Or j’avais fini Salammbô au mois de mars, six semaines avant l’ouverture de ce musée. Voilà une erreur, déjà. Nous en trouverons de plus graves.
Je n’ai, Monsieur, nulle prétention à l’archéologie. J’ai donné mon livre pour un roman, sans préface, sans notes, et je m’étonne qu’un homme illustre, comme vous, par des travaux si considérables perde ses loisirs à une littérature si légère ! J’en sais cependant assez, Monsieur, pour oser dire que vous errez complètement d’un bout à l’autre de votre travail, tout le long de vos dix-huit pages, à chaque paragraphe et à chaque ligne.
Vous me blâmez « de n’avoir consulté ni Falbe ni Dureau de la Malle, dont j’aurais pu tirer profit ». Mille pardons ! je les ai lus, plus souvent que vous peut-être, et sur les mines mêmes de Carthage. Que vous ne sachiez « rien de satisfaisant sur la forme ni sur les principaux quartiers », cela se peut ; mais d’autres, mieux informés, ne partagent pas votre scepticisme. Si l’on ignore où était le faubourg Aclas, l’endroit appelé Fuscianus, la position exacte des portes principales dont on a les noms, etc., on connaît assez bien l’emplacement de la ville, l’appareil architectonique des murailles, la Taenia, le Môle et le Cothon. On sait que les maisons étaient enduites de bitume et les rues dallées ; on a une idée de l’Ancrô décrit dans mon chapitre xv ; on a entendu parler de Malquâ, de Bysa, de Mégara, des Mappales et des Catacombes, et du temple d’Eschmoûn situé sur l’Acropole, et de celui de Tanit, un peu à droite en tournant le dos à la mer. Tout cela se trouve (sans parler d’Appien, de Pline et de Procope) dans ce même Dureau de la Malle, que vous m’accusez d’ignorer. Il est donc regrettable, Monsieur, que vous ne soyez pas « entré dans des détails fastidieux pour montrer » que je n’ai eu aucune idée de l’emplacement et de la disposition de l’ancienne Carthage, « moins encore que Dureau de la Malle », ajoutez-vous. Mais que faut-il croire ? À qui se fier, puisque vous n’avez pas eu jusqu’à présent l’obligeance de révéler votre système sur la topographie carthaginoise ?
Je ne possède, il est vrai, aucun texte pour vous prouver qu’il existait une rue des Tanneurs, des Parfumeurs, des Teinturiers. C’est en tout cas une hypothèse vraisemblable, convenez-en ! Mais je n’ai point inventé Kinisdo et Cynasyn, « mots, dites-vous, dont la structure est étrangère à l’esprit des langues sémitiques ». Pas si étrangère cependant, puisqu’ils sont dans Gesenius — presque tous mes noms puniques, défigurés selon vous, étant pris dans Gesenius (Scripturæ linguæque phæniciæ, etc.), ou dans Falbe, que j’ai consulté, je vous assure.
Un orientaliste de votre érudition, Monsieur, aurait dû avoir un peu d’indulgence pour le nom numide de Naravasse que j’écris Narr’havas, de Nar-el-haouah, feu du souffle. Vous auriez pu deviner que les deux m de Salammbô sont mis exprès pour faire prononcer Salam et non Salan, et supposer charitablement que Égates, au lieu de Ægates, était une faute typographique, corrigée du reste dans la seconde édition de mon livre, antérieure de quinze jours à vos conseils. Il en est de même de Scissites pour Syssites et du mot Kabire, que l’on avait imprimé sans un k (horreur !) jusque dans les ouvrages les plus sérieux, tels que les Religions de la Grèce antique, par Maury. Quant à Schalischim, si je n’ai pas écrit (comme j’aurais dû le faire) Rosch-esch-Schalischim, c’était pour raccourcir un nom déjà trop rébarbatif, ne supposant pas d’ailleurs que je serais examiné par des philologues. Mais puisque vous êtes descendu jusqu’à ces chicanes de mots, j’en reprendrai chez vous deux autres : 1o Compendieusement, que vous employez tout au rebours de la signification pour dire abondamment, prolixement, et 2o Carthachinoiserie, plaisanterie excellente, bien qu’elle ne soit pas de vous, et que vous avez ramassée, au commencement du mois dernier, dans un petit journal. Vous voyez, Monsieur, que si vous ignorez parfois mes auteurs, je sais les vôtres. Mais il eût mieux valu, peut-être, négliger « ces minuties qui se refusent », comme vous le dites fort bien, « à l’examen de la critique ».
Encore une, cependant ! Pourquoi avez-vous souligné le et dans cette phrase (un peu tronquée) de ma page 156 : « achète-moi des Cappadociens et des Asiatiques » ? Est-ce pour briller en voulant faire accroire aux badauds que je ne distingue pas la Cappadoce de l’Asie Mineure ? Mais je la connais, Monsieur, je l’ai vue, je m’y suis promené !
Vous m’avez lu si négligemment que presque toujours vous me citez à faux. Je n’ai dit nulle part que les prêtres aient formé une caste particulière ; ni, page 109, que les soldats libyens « fussent possédés de l’envie de leur faire boire du fer », mais que les Barbares menaçaient les Carthaginois de leur faire boire du fer ; ni, page 108, que les gardes de la Légion « portaient au milieu du front une corne d’argent pour les faire ressembler à des rhinocéros », mais « leurs gros chevaux avaient, etc. » ; ni, page 29, que les paysans, un jour, s’amusèrent à crucifier deux cents lions. Même observation pour ces malheureuses Syssites, que j’ai employées, selon vous, « ne sachant pas sans doute que ce mot signifiait des corporations particulières ». Sans doute est aimable. Mais sans doute je savais ce qu’étaient ces corporations et l’étymologie du mot, puisque je le traduis en français la première fois qu’il apparaît dans mon livre, page 7 : « Syssites, compagnies (de commerçants) qui mangeaient en commun ». Vous avez de même faussé un passage de Plaute, car il n’est point démontré dans le Pœnulus « que les Carthaginois savaient toutes les langues », ce qui eût été un curieux privilège pour une nation entière ; il y a tout simplement dans le prologue, v. 112, « Is omnes linguas scit » ; ce qu’il faut traduire : « celui-là sait toutes les langues », — le Carthaginois en question, et non tous les Carthaginois.
Il n’est pas vrai de dire que « Hannon n’a pas été crucifié dans la guerre des Mercenaires, attendu qu’il commandait des armées longtemps encore après », car vous trouverez dans Polybe, Monsieur, que les rebelles se saisirent de sa personne, et l’attachèrent à une croix (en Sardaigne, il est vrai, mais à la même époque), livre Ier, chapitre xviii. Ce n’est donc pas « ce personnage » « qui aurait à se plaindre de M. Flaubert », mais plutôt Polybe qui aurait à se plaindre de M. Frœhner.
Pour les sacrifices d’enfants, il est si peu impossible qu’au siècle d’Hamilcar on les brûlât vifs, qu’on en brûlait encore au temps de Jules César et de Tibère, s’il faut s’en rapporter à Cicéron (Pro Balbo) et à Strabon (livre III). Cependant, « la statue de Moloch ne ressemble pas à la machine infernale décrite dans Salammbô. Cette figure, composée de sept cases étagées l’une sur l’autre pour y enfermer les victimes, appartient à la religion gauloise. M. Flaubert n’a aucun prétexte d’analogie pour justifier son audacieuse transposition ».
Non ! Je n’ai aucun prétexte, c’est vrai ! Mais j’ai un texte, à savoir le texte, la description même de Diodore, que vous rappelez et qui n’est autre que la mienne, comme vous pourrez vous en convaincre en daignant lire, ou relire, le livre XX de Diodore, chapitre iv, auquel vous joindrez la paraphrase chaldaïque de Paul Fage, dont vous ne parlez pas et qui est citée par Selden, De diis syriis, p. 166-170, avec Eusèbe, Préparation évangélique, livre Ier.
Comment se fait-il aussi que l’histoire ne dise rien du manteau miraculeux, puisque vous dites vous-même « qu’on le montrait dans le Temple de Vénus, mais bien plus tard et seulement à l’époque des empereurs romains ? ». Or je trouve dans Athénée, XII, 58, la description très minutieuse de ce manteau, bien que l’histoire n’en dise rien. Il fut acheté à Denys, l’Ancien 120 talents, porté à Rome par Scipion Émilien, reporté à Carthage par Caïus Gracchus, revint à Rome sous Héliogabale, puis fut vendu à Carthage. Tout cela se trouve encore dans Dureau de la Malle, dont j’ai tiré profit, décidément.
Trois lignes plus bas, vous affirmez, avec la même… candeur, que « la plupart des autres dieux invoqués dans Salammbô sont de pures inventions », et vous ajoutez : « Qui a entendu parler d’un Aptoukhos ? » Qui ? d’Avezac (Cyrénaïque), à propos d’un temple dans les environs de Cyrène. — « D’un Schaoûl ? » Mais c’est un nom que je donne à un esclave (voyez ma page 91) — « Ou d’un Matismann » ? Il est mentionné comme dieu par Corippus. (Voyez Johannide et Mémoires de l’Académie des Inscriptions, tome XII, p. 181.) — « Qui ne sait que Micipsa n’était pas une divinité mais un homme ? » Or c’est ce que je dis, Monsieur, et très clairement, dans cette même page 91, quand Salammbô appelle ses esclaves : « À moi Kroum, Enva, Micipsa, Schaoûl ! »
Vous m’accusez de prendre pour deux divinités distinctes Astaroth et Astarté. Mais au commencement, page 48, lorsque Salammbô invoque Tanit, elle l’invoque par tous ses noms à la fois : « Anaïtis, Astarté, Derceto, Astaroth, Tiratha ». Et même j’ai pris soin de dire un peu plus bas, page 52, qu’elle répétait « tous ces noms sans qu’ils eussent pour elle de signification distincte ». Seriez-vous comme Salammbô ? Je suis tenté de le croire, puisque vous faites de Tanit la déesse de la guerre et non de l’amour, de l’élément femelle, humide, fécond, en dépit de Tertullien, et de ce nom même de Tiratha, dont vous rencontrez l’explication peu décente, mais claire, dans Movers, Phenic, livre Ier, page 574.
Vous vous ébahissez ensuite des singes consacrés à la lune et des chevaux consacrés au soleil. « Ces détails (vous en êtes sûr) ne se trouvent dans aucun auteur ancien, ni dans aucun monument authentique. » Or je me permettrai, pour les singes, de vous rappeler, Monsieur, que les cynocéphales étaient, en Égypte, consacrés à la lune, comme on le voit encore sur les murailles des temples, et que les cultes égyptiens avaient pénétré en Libye et dans les oasis. Quant aux chevaux, je ne dis pas qu’il y en avait de consacrés à Esculape, mais à Eschmoûn, assimilé à Esculape, Lolaüs, Apollon, le Soleil. Or je vois les chevaux consacrés au soleil dans Pausanias (livre Ier, chapitre i), et dans la Bible (Rois, livre II, chapitre xxxii). Mais peut-être nierez-vous que les temples d’Égypte soient des monuments authentiques, et la Bible et Pausanias des auteurs anciens.
À propos de la Bible, je prendrai encore, Monsieur, la grande liberté de vous indiquer le tome II de la traduction de Cahen, page 186, où vous lirez ceci : « Ils portaient au cou, suspendue à une chaîne d’or, une petite figure de pierre précieuse qu’ils appelaient la Vérité. Les débats s’ouvraient lorsque le président mettait devant soi l’image de la Vérité ». C’est un texte de Diodore. En voici un autre d’Elien : « Le plus âgé d’entre eux était leur chef et leur juge à tous ; il portait autour du cou une image en saphir. On appelait cette image la Vérité ». C’est ainsi, Monsieur, que « cette Vérité-là est une jolie invention de l’auteur ».
Mais tout vous étonne : le molobathre, que l’on écrit très bien (ne vous en déplaise) malobathre ou malabathre, la poudre d’or que l’on ramasse aujourd’hui, comme autrefois, sur le rivage de Carthage, les oreilles des éléphants peintes en bleu, les hommes qui se barbouillent de vermillon et mangent de la vermine et des singes, les Lydiens en robes de femme, les escarboucles des lynx, les mandragores qui sont dans Hippocrate, la chaînette des chevilles qui est dans le Cantique des Cantiques (Cahen, tome XVI, 37), et les arrosages de silphium, les barbes enveloppées, les lions en croix, etc., tout !
Eh bien ! non, Monsieur, je n’ai point « emprunté tous ces détails aux nègres de la Sénégambie ». Je vous renvoie, pour les éléphants, à l’ouvrage d’Armandi, page 256, et aux autorités qu’il indique, telles que Florus, Diodore, Ammien Marcellin et autres nègres de la Sénégambie.
Quant aux nomades qui mangent des singes, croquent des poux et se barbouillent de vermillon, comme on pourrait « vous demander à quelle source l’auteur a puisé ces précieux renseignements », et que « vous seriez », d’après votre aveu, « très embarrassé de le dire », je vais vous donner, humblement, quelques indications qui faciliteront vos recherches.
« Les Maxies… se peignent le corps avec du vermillon. Les Gysantes se peignent tous avec du vermillon et mangent des singes. Leurs femmes (celles des Adrymachydes), si elles sont mordues par un pou, elles le prennent, le mordent, etc. » Vous verrez tout cela dans le IVe livre d’Hérodote, aux chapitres cxciv, cxci et clxviii. Je ne suis pas embarrassé de le dire.
Le même Hérodote m’a appris, dans la description de l’armée de Xerxès, que les Lydiens avaient des robes de femmes ; de plus Athénée, dans le chapitre des Étrusques et de leur ressemblance avec les Lydiens, dit qu’ils portaient des robes de femme ; enfin, le Bacchus lydien est toujours représenté en costume de femme. Est-ce assez pour les Lydiens et leur costume ?
Les barbes enfermées en signe de deuil sont dans Cahen (Ézéchiel, chapitre xxiv, 17) et au menton des colosses égyptiens, ceux d’Abou-Simbal, entre autres ; les escarboucles formées par l’urine de lynx, dans Théophraste, Traité des pierreries, et dans Pline, livre VIII, chapitre lvii. Et pour ce qui regarde les lions crucifiés (dont vous portez le nombre à deux cents, afin de me gratifier, sans doute, d’un ridicule que je n’ai pas), je vous prie de lire dans le même livre de Pline le chapitre xviii, où vous apprendrez que Scipion Émilien et Polybe, se promenant ensemble dans la campagne carthaginoise, en virent de suppliciés dans cette position. « Quia ceteri metu poenæ similis absterrentur eadem noxia. » Sont-ce là, Monsieur, de ces passages pris sans discernement dans l’Univers pittoresque, « et que la haute critique a employés avec succès contre moi ? » De quelle haute critique parlez-vous ? Est-ce de la vôtre ?
Vous vous égayez considérablement sur les grenadiers que l’on arrosait avec du silphium. Mais ce détail, Monsieur, n’est pas de moi. Il est dans Pline, livre XVII, chapitre xlvii. J’en suis bien fâché pour votre plaisanterie sur « l’ellébore que l’on devrait cultiver à Charenton » ; mais, comme vous le dites vous-même, « l’esprit le plus pénétrant ne saurait suppléer au défaut de connaissances acquises ».
Vous en avez manqué complètement en affirmant que « parmi les pierres précieuses du trésor d’Hamilcar, plus d’une appartient aux légendes et aux superstitions chrétiennes ». Non, Monsieur, elles sont toutes dans Pline et dans Théophraste.
Les stèles d’émeraude, à l’entrée du temple, qui vous font rire, car vous êtes gai, sont mentionnées par Philostrate Vie d’Apollonius et par Théophraste Traité des pierreries. Heeren (tome II) cite sa phrase : « La plus grosse émeraude bactrienne se trouve à Tyr, dans le Temple d’Hercule. C’est une colonne d’assez forte dimension ». Autre passage de Théophraste (traduction de Hill) : « Il y avait dans leur temple de Jupiter un obélisque composé de quatre émeraudes. »
Malgré « vos connaissances acquises », vous confondez le jade, qui est une néphrite d’un vert brun et qui vient de Chine, avec le jaspe, variété de quartz que l’on trouve en Europe et en Sicile. Si vous aviez ouvert, par hasard, le Dictionnaire de l’Académie française, au mot jaspe, vous eussiez appris, sans aller plus loin, qu’il y en avait de noir, de rouge et de blanc. Il fallait donc, Monsieur, modérer les transports de votre indomptable verve et ne pas reprocher folâtrement à mon maître et ami Théophile Gautier d’avoir prêté à une femme (dans son Roman de la Momie) des pieds verts quand il lui a donné des pieds blancs. Ainsi, ce n’est point lui, mais vous, qui avez fait une erreur ridicule.
Si vous dédaigniez un peu moins les voyages, vous auriez pu voir au musée de Turin le propre bras de sa momie, rapportée par M. Passalacqua, d’Égypte, et dans la pose que décrit Th. Gautier, cette pose qui, d’après vous, n’est certainement pas égyptienne. Sans être ingénieur non plus, vous auriez appris ce que font les Sakiehs pour amener l’eau dans les maisons, et vous seriez convaincu que je n’ai point abusé des vêtements noirs en les mettant dans les pays où ils foisonnent et où les femmes de la haute classe ne sortent que vêtues de manteaux noirs. Mais comme vous préférez les témoignages écrits, je vous recommanderai, pour tout ce qui concerne la toilette des femmes, Isaïe, iii, 3, la Mischna, tit. de Sabbatho, Samuel, xiii, 18, saint Clément d’Alexandrie, Pœd., II, 13, et les dissertations de l’abbé Mignot, dans les Mémoires de l’Académie des Inscriptions, t. XLII. Et quant à cette abondance d’ornementation qui vous ébahit si fort, j’étais bien en droit d’en prodiguer à des peuples qui incrustaient dans le sol de leurs appartements des pierreries. (Voy. Cahen, Ézéchiel, xxviii, 14.). Mais vous n’êtes pas heureux, en fait de pierreries.
Je termine, Monsieur, en vous remerciant des formes amènes que vous avez employées, chose rare maintenant. Je n’ai relevé parmi vos inexactitudes que les plus grossières, qui touchaient à des points spéciaux. Quant aux critiques vagues, aux appréciations personnelles et à l’examen littéraire de mon livre, je n’y ai pas même fait allusion. Je me suis tenu tout le temps sur votre terrain, celui de la science, et je vous répète encore une fois que j’y suis médiocrement solide. Je ne sais ni l’hébreu, ni l’arabe, ni l’allemand, ni le grec, ni le latin, et je ne me vante pas de savoir le français. J’ai usé souvent des traductions, mais quelquefois aussi des originaux. J’ai consulté, dans mes incertitudes, les hommes qui passent en France pour les plus compétents, et si je n’ai pas été mieux guidé, c’est que je n’avais point l’honneur, l’avantage de vous connaître : excusez-moi ! Si j’avais pris vos conseils, aurais-je mieux réussi ? J’en doute. En tout cas, j’eusse été privé des marques de bienveillance que vous me donnez çà et là dans votre article et je vous aurais épargné l’espèce de remords qui le termine. Mais rassurez-vous, Monsieur ; bien que vous paraissiez effrayé vous-même de votre force et que vous pensiez sérieusement « avoir déchiqueté mon livre pièce à pièce », n’ayez aucune peur, tranquillisez-vous ! car vous n’avez pas été cruel, mais… léger.
J’ai l’honneur d’être, etc.