Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 4/0610

Louis Conard (Volume 4p. 322).

610. À ERNEST FEYDEAU.
Mercredi soir.

Ton ami a manqué passer sous une locomotive dimanche soir. C’eût été une perte pour la littérature, je le sais ; mais à cette heure, j’en saurais long en philosophie et cela m’eût épargné toutes les ratures qui me restent à faire, tous les embêtements que j’ai encore à subir !

C’était en revenant d’un castel dans le pays de Caux, où j’avais couché et dîné.

Merci de ton Athénée ; je l’ai autrefois fortement labourée et pour le moment je n’en ai pas besoin.

La santé ne va pas fort, je m’emmerde comme trente mille hommes ; je suis éreinté, j’ai mal à la poitrine et aux nerfs, aujourd’hui surtout. Car j’ai été obligé (pour un acte de complaisance) de fouiller mes notes d’Orient, chose qui m’attriste toujours. Il me faut encore un mois pour finir mon vie chapitre et je voudrais avoir fait le viie avant le jour de l’an, ce qui serait la moitié du tout.

J’ai des hôtes qui ne m’amusent nullement. Il m’est impossible maintenant de supporter pendant cinq minutes un bourgeois. Autrefois ça m’exaspérait. À présent ça m’abrutit et m’attriste. Il m’use.

Adieu, je t’embrasse très tendrement.