Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 4/0502
Je viens de recevoir votre charmante lettre qui a bien couru avant de m’arriver. Enfin je l’ai et elle me réjouit fort. Vous savez le cas que je fais de votre goût ; c’est vous dire, chère Madame, que vous avez
Ai-je été vrai ? Est-ce ça ? J’ai bien envie de causer longuement avec vous (mais quand et où ?) sur la théorie de la chose. On me croit épris du réel, tandis que je l’exècre ; car c’est en haine du réalisme que j’ai entrepris ce roman. Mais je n’en déteste pas moins la fausse idéalité dont nous sommes bernés par le temps qui court. Haine aux Almanzor comme aux Jean Couteaudier ! Fi des Auvergnats et des coiffeurs !
En choquerai-je d’autres ? Espérons-le ! Une dame fort légère m’a déjà déclaré qu’elle ne laisserait pas sa fille lire mon livre, d’où j’ai conclu que j’étais extrêmement moral.
La plus terrible farce à me jouer, ce serait de me décerner le prix montyon. Quand vous aurez lu la fin, vous verrez que je le mérite.
Je vous prie, néanmoins, de ne pas me juger là-dessus. La Bovary a été pour moi une affaire de parti pris, un thème. Tout ce que j’aime n’y est pas. Je vous donnerai dans quelque temps quelque chose de plus relevé dans un milieu plus propre. Adieu, ou plutôt à bientôt. Permettez-moi de baiser vos mains qui m’écrivent de si jolies choses et de si flatteuses, et de vous assurer que je suis (sans aucune formule de politesse) tout à vous.