Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 4/0478

Louis Conard (Volume 4p. 84-86).

478. À LOUIS BOUILHET.
Croisset, 18 août [1855].

Tu es un gentil bougre de m’avoir envoyé cette bonne nouvelle. Et d’abord et avant tout : crois-tu désormais au présage des bottes ? Te rappelles-tu que le jour où j’ai porté ta pièce chez Laffitte je t’ai dit dans la rue Sainte-Anne : « Ça ira bien, je viens de voir des bottes » ? Et elles étaient neuves et on les tenait par des tirants !

Oui, vieux, je suis moult satisfait. Ta lecture me paraît à peu près certaine maintenant. Fais que Blanche dise un petit mot à Laugier, ça ne peut pas nuire.

Voici, sauf meilleur avis, ce qu’il faudrait faire, je crois :

1o Connaître exactement tous les noms du Comité.

2o Informe-toi si Laugier ne serait pas par hasard parent du Laugier médecin (agrégé à l’école). Par Cloquet ou tout autre, on pèserait dessus.

3o As-tu une lettre de Durey pour Judith ? Peux-tu te présenter chez elle ? Vas-y. Ne néglige rien. Trémousse-toi, profite de la bonne veine.

4o Je t’engage à aller chez Person qui demeure rue Montyon, 7. Tu auras soin de ne pas dire au portier ni à la femme de chambre que tu es mon ami, ce serait le moyen de te faire fermer la porte au nez. Évite même mon nom s’il y a un tiers avec vous. Elle connaît Samson qui a été son professeur et qu’elle aime beaucoup. Elle pourra aisément te donner des renseignements sur Beauvallet qui est très influent et qu’on gagne avec des petits verres. Ne te gêne pas avec Person. C’est une excellente femme et tu la connais assez pour te présenter chez elle. Elle fera certainement tout ce qu’elle pourra.

5o Il y a Got qui est un camarade de Maxime, mais ?

6o Édouard Delessert doit connaître assez intimement Provost, ils sont du même cercle. Quant à Provost, c’est par les peintres qu’on l’aurait, il en connaît beaucoup. Demande ces renseignements-là à Préault.

Je crois que M. Cloquet connaît Samson.

Important. Retourne immédiatement chez Sandeau, expose-lui la chose. Qu’il marche maintenant, puisque c’est engagé.

Ne néglige rien, s… n… de D… ! fais plutôt quinze démarches qu’une seule. Allons, remonte-toi, mon pauvre vieux, et n’en sois pas moins persuadé que tu n’es pas encore au bout, mais que tu y arriveras, que tu seras un jour ou l’autre joué et applaudi. Nous aurons notre tour, n’aie pas peur. Quand ce ne serait « qu’en vertu de notre entêtement ». Il le faut. Passe toutes tes vacances à Paris, si tu vois que tu puisses t’y être le moindrement utile.

Delamarre « connaît » peut-être, ou peut « connaître » des gens qui « connaissent » des membres du Comité ??? Vas-y, il demeure près de Laffitte, une ou deux maisons avant. Tu ne me dis rien de Rouvière ?

N’oublie pas les Folies. Déploie une activité napoléonienne.

Je suis au milieu des affaires financières de la Bovary. C’est d’une difficulté atroce. Il est temps que ça finisse, je succombe sous le faix.

Adieu, je t’embrasse de toute la force de trente tirades.