Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 3/Appendice du Tome III

Louis Conard (Volume 3p. 431-444).


APPENDICE.


LES FANTÔMES.


I

Que faites-vous des anciennes amours ?
Les chassez-vous comme des ombres vaines ?
En y pensant, n’avez-vous pas toujours
Comme un frisson qui vous court dans les veines ?

Ils ont été ces fantômes glacés,
Cœur contre cœur, une part de vous-même,
Ils ont frémi dans vos bras enlacés,
Ils vous ont dit ce mot sacré : Je t’aime !

Ils ont senti, ne fût-ce qu’une nuit,
Leur être ému se confondre à votre être ;
Et Dieu lui-même a recueilli le bruit
De vos baisers dont une âme a pu naître.

Que faites-vous de chaque souvenir,
Spectres moqueurs, ou larves désolées ?
Évoquez-vous ces ivresses mêlées
Pour les pleurer, les plaindre ou les bénir !

II

Avec dédain souriant, mais l’œil sombre,
Écho de tous un homme répondit :
« Dans un désert quel lion sait le nombre
« Des grains de sable où son flanc s’étendit ?


« Depuis l’éphèbe aux formes déliées,
« Jusqu’au vieillard que la mort vient courber,
« Qui de nous sait les femmes oubliées
« Que dans nos bras le hasard fit tomber ?

Larmes, dégoûts des caresses vendues,
Voix des douleurs dans le plaisir criant,
Remords, pitiés des âmes éperdues
On vous étouffe en vous multipliant.

L’arbre jauni que le vent découronne
Voit s’effeuiller ses rameaux sans douleur,
Et l’homme aussi vous chasse de son cœur,
Pauvres amours, tristes feuilles d’automne.

III

Elle était pâle et morne un soir d’été,
Les cœurs des femmes ont aussi leurs fantômes ;
Entre l’éther à la molle clarté
Et la campagne aux enivrants arômes,

Elle voyait passer silencieux
Le défilé des images aimées
Marchant vers elle et les yeux sur ses yeux,
Lui rappelant les heures enflammées.

Leurs bras tendus semblaient la ressaisir ;
Ce n’étaient point ces ombres effacées
Que l’homme entasse et confond à plaisir ;
C’étaient des voix, des regards, des pensées.

C’était l’amour ! ce fantôme espéré
Qu’attend la vierge et qui déçoit l’épouse,
Toujours, toujours, sa vision jalouse
A fui son cœur après l’avoir navré.

Mais elle aima : sa douleur véhémente,
Devint pardon ; l’amour s’est transformé ;
Dans sa pitié, qui change en sœur l’amante,
Elle les plaint de n’avoir pas aimé.


Comme une eau vive à la lèvre altérée
S’offre tranquille et sans troubler son cours,
Dans sa douceur sa tendresse épurée
Voudrait s’offrir pour rafraîchir leurs jours.

Comme un beau chant répand son harmonie,
Comme un calice exhale son parfum,
Elle voudrait de sa paix infinie
Faire monter le calme vers chacun.

Être la rive ombreuse des vallées
Qui nous charma, vers laquelle on revient,
Et recueillir ces âmes envolées
Au doux abri d’un cœur qui se souvient.


LA PAYSANNE[1].


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L’embrasement de la plage muette
Lui rappelant un jour lointain pareil,
Quelques doux cris de merle ou de fauvette
Dans la pauvre âme ont produit ce réveil.
À l’horizon elle étendit la vue :
Le vieux château que baignait le soleil,
Illuminant ses deux tours dans la nue,
Lui paraissait d’or sur un fond vermeil.
Il lui sembla courir dans l’avenue
Où mille oiseaux gazouillaient leur chanson ;
Le cuisinier à la face charnue
Lui souriait debout sur le perron ;
Sous les rameaux le vitrail de la serre
S’illuminait ; des parfums en sortaient,
Et dans ce cœur submergé de misères
Les souvenirs par degrés remontaient.

Oh ! c’est l’amour, c’est encor la jeunesse,
C’est le bonheur !… Elle lui tend les bras ;
En laissant choir sa gerbe elle s’affaisse,
Elle repose, elle ne souffre pas.
La vision qu’embrasse sa pensée
Remplit ses yeux, ils regardent sans voir…
Sur les cailloux sa tête est renversée ;
Ses cheveux blancs flottent au vent du soir
Qui la caresse et soulève autour d’elle
Le chaud parfum des genêts à fleurs d’or ;
D’un vol rapide une noire hirondelle
Rase son front, plane et revient encor.
Broutant au loin le thym et la roquette,
Les grands troupeaux poussent leur bêlement,
Et des béliers la petite clochette
Répand dans l’air son léger tintement.
Le jour s’éteint… La pauvre vieille expire
À ces doux bruits qui la berçaient enfant ;
Sur son visage erre un calme sourire
Qui dans la mort y survit triomphant.
Puis tout se tait : les champs deviennent pâles ;
L’on n’entend plus que le Rhône qui fuit
Et le coucou jetant par intervalles
Son cri sonore au milieu de la nuit.

VI

Un soir d’hiver, dans le pauvre village
Les chiens de garde aboyaient au mistral,
Tout était noir des rochers à la plage,
Hors une porte où pendait un fanal :
C’était le seuil d’une salle creusée
Aux flancs d’un roc ; l’œil en y regardant
Sur la paroi du fond tout embrasée
Aurait pu voir des ombres se tordant.
Dans l’âtre rouge une énorme chaudière
Fait retentir comme un bruit de sanglots.
Et des mulets agitant leurs grelots
Tournent la meule au cylindre de pierre.

La verte olive, à la forte senteur,
Comme un blé mûr en poussière est broyée ;
Puis va s’étendre en pâte délayée
Dans des cabas ou filtre sa liqueur.
Des hommes noirs, huilés, souples, bizarres,
Nus jusqu’aux reins et dressant leurs bras forts,
Sur un pressoir croisent de longues barres
Qu’ils font tourner en y pendant leurs corps.
Dans l’eau qui bout d’autres plongent des cruches
Qu’ils vont vider au pressoir mugissant,
Et, s’échappant comme le miel des ruches,
L’huile à flots d’or en rigoles descend.
Le long des murs le marc chaud des olives
Fume étalé : c’est le lit ou l’on dort.
Des troncs rugueux, ou de vieilles solives,
Forment des bancs et des tables au bord.
Ô moulin d’huile, avec les douces flammes
De tes grands feux de branches d’olivier
Chauffant en rond les vieillards et les femmes,
Comme l’on t’aime aux jours froids de janvier !
C’est toi qui mets tout le village en fête,
Dans ton enceinte on danse tous les soirs ;
En jupon court l’oliveuse coquette
Vient y sourire à tes mouliniers noirs ;
Ton clair fanal la nuit montre un asile
Aux mendiants dans leur route égarés,
Et grâce à toi, bon et chaud moulin d’huile,
Ils ont la soupe et le gîte assurés.

Or, ce soir-là plus froide était la bise,
Et vers minuit les chiens jappaient plus fort,
Lorsqu’un vieillard à longue barbe grise
Parut traînant sa marche avec effort :
Un vieux schako vacille sur sa tête ;
Sous son caban troué, son pantalon
Laisse entrevoir la pourpre d’un galon ;
Sa veste porte un débris d’épaulette ;
Ses pieds sont nus. Quel est cet indigent ?
Près du foyer, insensible il s’affaisse ;
On le secourt, on l’entoure, on s’empresse.
Dans ce vieillard, qui reconnaîtrait Jean ?

Il revenait du fond de la Russie,
Où prisonnier la France l’oublia.
En traversant l’Europe il mendia,
Sa route était par le but adoucie.
Parmi la neige et les steppes sans fin,
Riante au loin il voyait la frontière ;
Et, fredonnant quelque marche guerrière,
Il secouait sa fatigue et sa faim.
Aller mourir dans son pauvre village,
Revoir le Rhône, aspirer l’air en feu,
Se retrouver dans le doux paysage
Du vieux château, c’était son dernier vœu.
Songes lointains, spectres des jours prospères,
Vous vous levez quand la mort vient à nous !
Pour nous saisir, poussières de nos pères,
Vous attirez nos atomes vers vous.
Il arriva. Le terme du voyage
Vit le vieillard pâlir et chanceler ;
Et jusqu’au jour, comme épuisé par l’âge,
Dans le moulin il dormit sans parler.
Mais avec l’aube il s’éveille, il s’élance,
Il va frapper à chaque seuil connu ;
Il crie à tous : « Dieu me ramène en France,
« C’est moi ! c’est Jean qui vous suis revenu ! »
Nul n’accourait fêter son arrivée ;
Plus un ami, pas un toit familier ;
Des enfants seuls la bruyante couvée
Dans le village escorte le troupier.
Il marche ainsi, triste, de porte en porte,
Sans éveiller l’écho d’un souvenir.
Depuis longtemps sa Jeanneton est morte ;
Mort est leur fils. — À quoi bon revenir ? —
Quelques vieillards se rappellent à peine
Le petit Jean, comme eux devenu vieux,
Et le château qui dominait la plaine
Ne dresse plus ses deux tours dans les cieux :
Serre et jardin sont de blanches usines.
Comment donc vivre ? Il cherche du travail.
Durant l’été, sur les hautes collines
Le pauvre Jean va menant le bétail ;
Durant l’hiver, parfois il vit d’aumône.
Si l’on remplit sa pipe il est joyeux ;

Il va fumer sur les grèves du Rhône,
Et sans penser suit le courant des yeux.

Mais une année il sentit sa détresse ;
Tout le hameau fut pauvre à l’unisson.
Dans la contrée une âpre sécheresse
Tarit les fruits et brûla la moisson.
Le vin manquait ; partout l’herbe était jaune ;
Des grands marais l’exhalaison montait.
La fièvre enfin, lorsque arriva l’automne,
Porta la mort où la misère était.

Les trépassés, dans l’étroit cimetière,
Ne trouvent plus la place qu’il leur faut.
Un jour, celui qui les mettait en terre,
Frappé comme eux, soudain leur fait défaut.
Les pauvres morts pourrissent en présence
Des survivants, et, telle est la frayeur,
Qu’en vain on cherche un autre fossoyeur.

En racontant ses exploits d’ambulance,
Jean vint s’offrir pour fouiller le charnier.
Il avait faim, il se mit à l’ouvrage.
Durant quinze ans, la guerre et le carnage
L’avaient trempé pour ce rude métier.

L’aube un matin blanchissait la vallée,
L’enveloppant du suaire des morts ;
Un brouillard gris montait de la saulée
Au cimetière, étagé sur ces bords
Avec effort Jean faisait une brèche
Au pied d’un mur qu’il fallait démolir ;
Et l’on voyait, à l’entour de sa bêche,
Du trou béant des squelettes saillir :
Crânes rongés et faces aux yeux vides,
Côtes, fémurs, cartilages rompus,
Où tout gluants rampaient des vers livides,
Dans leur repas tranquille interrompus.
Jean, toup à coup, dans la terre a vu luire
Comme un bijou parmi les ossements ;
Il le convoite avec un joyeux rire ;
Son œil en a des éblouissements.

Le bras plongé dans les débris funèbres,
Avidement il saisit le trésor :
C’était autour d’un rameau de vertèbres,
Quelques fils noirs où pendait un cœur d’or !
Un papier jaune, empreint de moisissure,
Était dedans !… Jean fut pris d’un frisson.
Quoique le temps eût rongé l’écriture,
Il reconnut sa lettre à Jeanneton !


L’ACROPOLE[2].


De tous les peuples de la terre, les Grecs ont le pus noblement rêvé le rêve de la vie.
Goethe, Pensées.
À M. le Comte Alfred de Vigny.

Quand de la mer Égée où glisse le navire
Aux clartés du matin le voyageur voit luire
Les golfes de l’Attique en cirques arrondis,
Il découvre, éclairé comme il était jadis,
Le calme paysage ou rayonnait Athènes.
Au fond le Pentélique aux lignes incertaines,
Plus près le mont Hymette au lumineux contour,
Et dans le vif azur ou ruisselle le jour,
Comme un trépied géant un roc à large cime
Qui porte avec fierté le Parthénon sublime !
Aux baisers du soleil son fronton s’est doré,
Les siècles en fuyant l’ont a peine altéré,
Et, des temples tombés dominant les décombres,
Il est demeuré seul, phare parmi les ombres.
À sa base, il a vu s’entasser, écroulés,
Volutes, chapiteaux, bas-reliefs mutilés ;

Sortant de leurs débris la Tour vénitienne
Heurte de sa lourdeur la grâce athénienne ;
Elle passe du front le portique éclatant,
De sa beauté tranquille il l’écrase pourtant
Et la forme ineffable, éternellement pure
Découpe au bleu du ciel sa sereine structure.
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Et de cette hauteur il voit fuir l’Illisus,
Il aperçoit au pied du mont Lycabethus
L’Athènes renaissante et le bois séculaire
Des oliviers sacrés. — Au rivage, Phalère,
Le Pirée. — Au delà, belle encore de son nom,
Salamine ! et là-bas, à l’extrême horizon,
Par les feux du couchant Corinthe couronnée
Dressant sur les deux mers sa tête illuminée !
Alors, comme des flots qu’on entendait venir,
Sur le passé muet monte le souvenir.
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Des peuples primitifs le culte était l’emblème,
Dans leur religion passait leur esprit même.
Leur foi déifiait l’idéal adoré.
Quand le peuple était grand, c’était un grand symbole
L’âme d’Athène ainsi plana sur l’Acropole
Dans le temple du dieu qu’elle avait préféré.

Ce n’était pas Vénus au sourire impudique,
Entre ses bras ouverts berçant le monde antique
Et vers l’homme abaissant la dignité des cieux
C’était l’âme du Beau, c’était la foi guerrière,
C’était la pudeur sainte et l’amour sérieux,
C’était Minerve, vierge altière !

III

Athènes ! tu naissais à peine quand Pallas
T’anima de son cceur, te soutint de son bras,

D’un souffle olympien elle t’a fécondée.
Elle te fit grandir par la force et l’idée
Et vers tes hauts destins tandis que tu montais,
Comme l’on sent son âme, en toi tu la sentais !
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Ta déesse de bois devint d’or et d’ivoire ;
Tu lui voulus un temple à l’égal de ta gloire ;
Sur l’Acropole, autour de l’olivier sacré
Qui, planté par Minerve, a grandi vénéré
Sur le dôme d’un ciel souriant à toute heure,
De la Divinité s’éleva la demeure !
Tout un peuple accourut pour tailler de sa main
Les blocs du Pentélique aussi durs que l’airain.


Le voilà ce temple sans tache
Blanc comme un vêtement sacré !
Comme la neige qui s’attache
Au front du Parnasse éthéré !
Éblouissante colonnade
Que Zéphire va caressant ;
Le voilà tournant sa façade
Aux feux du matin rougissant.
Son fronton monte et se décore
De tout l’Olympe radieux.
Minerve, qu’éclaire l’aurore,
Apparaît au milieu des dieux
Et de l’autre côté du temple
Par le couchant illuminé
Victorieuse elle contemple
Neptune à ses pieds enchaîné.

Sur la frise où le jour palpite
Semblent hennir les coursiers blancs.
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Puis viennent les guerriers aux formidables tailles
Qui portent la cuirasse et la cotte de mailles
L’image de Pallas jaillit de leurs cimiers.

Ils frappent en chantant l’orbe des boucliers
Et le peuple applaudit leurs poses intrépides.
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De tout petits enfants, les mains entrelacées,
Agitent gravement de frêles caducées ;
La rose, en gais festons, ceint leurs fronts ingénus
Et sous leur robe claire on dirait qu’ils sont nus.
Les vierges s’avançant en longues théories
Couvrent leurs chastes corps de chastes draperies.
Il semble à voir flotter leurs souples vêtements
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Des peuples sans nom, des peuples barbares,
Tout couverts de peaux et d’armes bizarres,
Grands et chevelus, apportent la mort.
Ils sont accourus des forêts du Nord
Ils sont accourus du fond de l’Asie !
Se précipitant dans leur frénésie
Sombre tourbillon qui va grossissant
Extermine et passe en roulant du sang.
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VI

Comme la bouche sèche et morne d’un cratère
Dont la cendre sans feu retombe sur la terre
Foyer du monde antique, es-tu donc refroidi ?
Le corps s’est profané, — l’esprit s’est engourdi !
Le Bien, âme du Beau, tel qu’un soleil qui baisse
Aux bords de l’horizon en déclinant sans cesse !
La forme dégradée, et l’idéal détruit,
Laissent l’art et le cœur dans une égale nuit,
Mais à cette heure sombre où l’humanité doute,
Quand l’artiste inquiet ne connaît plus sa route,
Les hommes de pensée et les hommes de foi
Ô mère des grandeurs, se sont tournés vers toi !
Qui l’exemple peut plus que ne peut la parole :
Partez, mineurs de l’Art ! explorez l’Acropole !

Fouillez ce roc fécond, pesez dans votre main
Ces vieux marbres où court un souffle surhumain ;
De l’immortalité par leurs débris gardée
Interprétez le sens et retrouvez l’idée ;
Prosternez-vous devant l’immuable beauté,
Dérobez son mystère à son éternité.
Et, de tant de splendeurs reconquérant l’essence,
Rapportez parmi nous une autre Renaissance !


À MA FILLE[3].


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Sur ton oreiller ton cou frais se penche
Du drap rabattu tu sors ton bras rond
Ton visage rit sur la toile blanche,
Tes cheveux dorés caressent ton front.

Sous tes longs cils bruns ton œil bleu se voile
Parfois entr’ouvert sur ta joue il luit
Ainsi doucement scintille l’étoile
Qui recouvre au ciel un pli de la nuit.

Sur ta bouche rose aux belles dents claires
Ton souffle d’enfant court suave et doux.
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De ton joli corps sous la couverture
Plus souple apparaît le contour charmant ;
Telle au Parthénon quelque frise pure
Nous montre une vierge au long vêtement.


Quand vient le matin c’est toi qui m’éveilles
Avec ton doux rire et tes chants joyeux :
Je sens sur mon front tes lèvres vermeilles,
Et pour les rouvrir tu baises mes yeux.

Nous mêlons nos soins ; tendre, tu m’habilles
J’entoure ton front de tes longs cheveux
Et des frais tissus chers aux jeunes filles
J’ajuste sur toi les plis onduleux.

Sans souci de plaire et d’être applaudie
Tu t’assieds, parfois, rêveuse, au piano.
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Je pose une fleur sur ta tête d’ange,
Tu danses, tu ris, nous allons au bal :
Et je suis heureuse à chaque louange
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Mais nos meilleurs soirs, ceux que je préfère
Ce sont les longs soirs qui sont tout à nous
Les volets sont clos, la lampe t’éclaire
Auprès du foyer, tu brodes, je couds.


LA GLOIRE.


Je ne te cherche plus gloire contemporaine
Blême prostituée aux baisers de hasard,
Qui tends tes bras à tous, et, sein nu, dans l’arène
Prodigues ton étreinte aux bateleurs de l’Art.

La Poésie un jour m’a dit : « Tu seras reine ! »
Et dans ma frêle main j’ai pris son étendard,
Et je poursuis la route étoilée et sereine
Que l’idéal altier me traçait au départ.


J’entrevois sur ma tombe, une foule soumise
Un immortel vieillard me dit : « Tu t’es promise ! »
Et mon front couronné s’appuie au front du temps.

Reine par son hymen, je renais éblouie ;
La fleur de l’aloès, qui fut close cent ans,
Aux baisers du soleil éclate épanouie.


  1. En raison de la longueur de ce poème, nous ne donnons que les passages permettant au lecteur de suivre les corrections conseillées par Flaubert. Nous avons donné au tome II les passages précédemment corrigés.
  2. Nous ne donnons de ce long poème que les extraits où se trouvent encore les passages défectueux indiqués par Flaubert et Bouilhet
  3. Nous ne donnons de ce poème que les extraits contenant les corrections conseillées par Flaubert.