Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 3/0409
Qu’as-tu donc, pauvre chère Louise ? Bouilhet m’a montré une lettre de toi qui me navre. Que veux-tu dire avec mon silence ? C’est du tien, au contraire, que je me plains. Écris-moi, écris-moi ! Es-tu triste ? Dis-moi de t’écrire tous les jours et quand je ne t’enverrais que les premières lignes venues, quand je n’y saurais que te dire, je t’y enverrai tant de baisers qu’elles te feront du bien, car je te juge comme moi : pourvu que je reçoive de ton écriture, je suis content. Allons, sèche tes larmes. Comment peux-tu croire que j’oublie ? D’où vient cette idée saugrenue que tu te fourres dans la cervelle ?
Je fais tout mon possible pour hâter mes maudits comices, afin de t’aller voir plus vite ; mais je suis désespéré, tout mon travail de cette semaine est à refaire. Nous venons, nous deux Bouilhet, d’avoir une discussion de trois heures à propos de cinq pages. J’ai fini par me rendre à ses raisons. Mais quelle galère ! J’en perds la tête, il y a de quoi se pendre.
Allons, adieu, mille bons baisers, j’attends demain matin une lettre de toi. Je t’écrirai dans les premiers jours de la semaine prochaine.
À toi, à toi. Ton G.
Tu verras Bouilhet jeudi à 1 heure.