Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 3/0364

Louis Conard (Volume 3p. 90-91).

364. À LOUISE COLET.
Lundi, 1 h de nuit [25 janvier 1853].

Bouilhet venait d’emporter ce matin ta Paysanne pour la mettre au chemin de fer, quand ton mot est venu. Il part tous les lundis à 9 h ½ et la poste n’arrive jamais avant 10. Ainsi toutes les fois que tu veux me charger d’une commission pour le lundi, c’est le dimanche qu’il faut que je reçoive ta lettre.

Enfin ! tu t’es décidée pour tablier ! Ce qui me semble drôle, c’est que tu aies eu besoin de preuves. Je te défie de prononcer ce mot en deux syllabes. Sois sûre, pauvre chérie, que nos autres remarques sont aussi fondées et que tu reviendras tôt ou tard sur les deux ou trois contre lesquelles tu restes achoppée, « si l’on peut s’exprimer ainsi ».

1. Bon.

2. J’efface « et lui comptant » et je rétablis comme précédemment, qui est infiniment mieux. Troussé n’est que le mot à peu près ; c’est Étroussé le vrai. Mais la quantité de le qu’il y a dans ces trois vers est insoutenable :

le but riant c’était le gai château.

le cuisinier ;


en voilà déjà bien assez ! Tâche donc de mettre… bras nus sur ses hanches et tablier (troussé ?) sous son couteau, sans article autant que possible ; mais, tel que c’est, cela fait une quantité de petits sujets qui empiètent sur ton principal. Le tablier, les bras nus, le cuisinier, tout cela a autant de place l’un que l’autre.

Il y a aussi un vers bien dur :

On laisse à peine à la veuve un grabat,


que je voudrais voir changé.

Nous avons lu ensemble tout. Console-toi, c’est bon ; encore un dernier effort.

J’arriverai à la fin de la semaine prochaine, le samedi 5. Comme Bouilhet a des congés il en profitera. Son intention est de passer dimanche, lundi et mardi gras à Paris. Il faut qu’il soit de retour le mercredi des Cendres. Ainsi, pauvre amie, dans 12 jours.

Travaille bien ton Acropole. Connaissant tes allures, je ne serais pas surpris quand il y en aurait beaucoup de fait ; mais ne te dépêche pas. Tu vas toujours trop vite et puis, quel besoin de re-travailler maintenant à ta comédie, quand les dernières corrections de la Paysanne ne sont pas finies et quand il ne faut pas perdre une minute à cause du prix ! C’est comme Bouilhet qui, au lieu de faire son drame, fait tout autre chose ! Oh les poètes !

Adieu, bonne chère muse, je t’embrasse bien fort, à bientôt.

Ton G.