Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 3/0358

Louis Conard (Volume 3p. 71-72).

358. À LOUIS BOUILHET.
[Croisset, 25 décembre 1852.]

Je ne sais si tes deux collaborateurs s’en sont doutés, ni si toi-même en as conscience, mais tu as fait sur Mademoiselle Chéron quatre vers[1] sublimes, de génie ! J’en ai été ébloui. Ce billet n’a d’autre but que de t’en faire part. Ta pièce est d’une fantaisie transcendante. Cet amour dans une poitrine maigre, comme un oiseau dans une cage ! Superbe ! superbe !

Quant à tout le reste de ta bonne, longue et triste lettre, tu es un couillllon avec toutes sortes d’l mouillés. Mais j’espère, la semaine prochaine, replanter un bâton dans le corps de ton énergie, pour la faire se tenir belle et droite, comme une poupée de Nurenberg.

Sais-tu qu’on vient de découvrir à Madagascar un oiseau gigantesque qu’on appelle l’Épiornis ? Tu verras que ce sera le Dinorius et qu’il aura les ailes rouges.

Fais-moi le plaisir, aussitôt ton arrivée à Rouen, de me faire parvenir un mot qui me dise le jour où je te verrai positivement. Car, de mardi soir à vendredi, j’en serai tellement troublé et impatient que je n’en vivrai pas. Tu connais mes manies.

Je vais ce soir dîner chez Achille. Dîner de scheik ! champagne ! anniversaire de la naissance de la maîtresse de la maison[2] ! Fête de famille ! tableau.


  1. Qu’importe ton sein maigre, ô mon objet aimé !
    On est plus près du cœur quand la poitrine est plate,
    Et je vois, comme un merle en sa cage enfermé,
    L’Amour entre tes os rêvant sur une patte !

  2. Julie Lormier.