Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 1/0119
Je vais réclamer de toi un service que tu me rendras, je suis sûr, avec plaisir, si cela est en ton pouvoir. N’as-tu pas la permission de prendre chez toi des livres à la Bibliothèque royale ? Tu sais que je m’occupe aussi de l’Orient, dans un tout autre but que toi, il est vrai. J’ai lu, en fait de poèmes indiens, tout ce que j’ai pu recueillir à Rouen de traductions françaises, latines et anglaises ; c’est pitoyable. On ne trouve ici rien du tout. Ne pourrais-tu pas demander pour toi et me l’envoyer l’Historia Orientalis de Nottinger, le Sabountala, drame indien, et les Pouranas ? Que la traduction de ces deux ouvrages soit latine, française ou anglaise, peu m’importe. Tu me ferais du tout un paquet que tu m’enverrais par le chemin de fer chez Achille, rue du Contrat Social, 33. Mais les vacances des bibliothèques sont peut-être commencées, ou bien ne prête-t-on pas d’ouvrages pendant cette époque. Voilà, vieux ; si tu pouvais faire cela, tu serais un estimable jeune homme.
Quand tu me répondras, tiens-moi au courant de tes travaux ; parle-moi de ton œuvre. J’aime ta constance ; avec l’âpreté que tu y as mise, tu dois arriver à faire quelque chose de solide.
Quant à moi, j’épelle toujours le grec. Dieu sait quand je le lirai. Je me livre aussi présentement à la culture de Virgile et à la lecture du voyage de ce bon Chardin.
Adieu, vieux, je te serre les mains. À toi.