Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 1/0012
Je vais répondre à ta lettre et, comme disent certains farceurs, je mets la main à la plume pour vous écrire.
Quand viendras-tu ? Quand viendras-tu ? Voilà toujours ton éternelle question. Eh, bon Diable ! c’est tout naturel, c’est quelquefois la mienne aussi.
Un bon payeur ne craint point de donner des gages, dit Sancho Pança, eh bien, c’est que je me trouve dans une toute autre position ; tu sais quel cul de plomb fait mon père, oui vraiment, car tous les jours je lui disais : Quand irons-nous aux Andelys, quand irons-nous aux Andelys ? C’était toujours pour le samedi prochain, mais oui je t’en fous du samedi ou du dimanche. Voilà la rentrée qui r’arrive […] et nous n’avons pu voir ta bonne famille. Je suis dans un assez bon moment de travail, j’ai quelques sujets pas trop bêtes et j’espère en tirer bon parti ; mais, cher enfant camarade, c’est que voici la rentrée qui r’arrive avec son air emmerdé et guindé […] Enfin, merde de chien pour elle. Je te prie de ne pas tant paresser et de m’écrire le plus tôt possible en me donnant l’adresse du brave Amand, j’écrirai aussi à notre ancien compagnon littéraire Edmond, il ne m’a pas répondu. Adieu, compliments à ta famille. Adieu, mon très cher ami, le tien jusqu’à la mort.