Correspondance 1812-1876, 4/1861/CDXCIII



CDXCIII

À M. VICTOR BORIE, À PARIS


Nohant, 8 septembre 1861.


Eh bien, bravo, mon bonhomme ! c’était affreux de se condamner à vieillir seul, et, d’ailleurs, tu trouves une personne de mérite ; on en a toujours quand on est aimé pour soi. Elle t’accepte, c’est qu’elle t’aime aussi ; elle n’a rien, mais tu travailles ; tu te sens beaucoup de dévouement et d’affection, puisque tu ne recules pas devant une vie sans repos et sans égoïsme. Moi, j’approuve tout cela ; c’est dans mes idées et je voudrais que mon fils eût la sagesse d’en faire autant. J’aimerai ta femme comme je t’aime, tu peux y compter. Amène-la bientôt à Nohant, où elle sera reçue avec la plus vraie sympathie. On ne te nichera plus au pavillon et on ne te fera plus enrager, puisque le mariage aura fait de toi un homme sérieux. Manceau t’embrasse et t’approuve ; je ne parle encore de ton mariage qu’à lui, ne sachant pas si tu veux qu’on le sache dès à présent.

Maurice doit être au Niagara ou au lac Supérieur, bien plus loin ; il se porte bien et il est content. Nous allons commencer nos comédies ; nous n’avons pas Lucien, qui, heureusement pour lui, a trouvé un emploi ; ni la famille Luguet : la pauvre Caroline été bien malade et ne peut bouger. Mais nous nous arrangerons tout de même et nous aurons, comme tu vois, un appartement à ta disposition.

À toi de cœur.
G. SAND.