Correspondance 1812-1876, 4/1860/CDLIX



CDLIX

À SON ALTESSE LE PRINCE NAPOLÉON (JÉRÔME),
À PARIS


Nohant, 27 juin 1860.


Monseigneur et cher prince,

Je suis bien vivement affectée du coup qui vous frappe. Quelque prévu qu’il fût, — car vous me l’aviez comme annoncé, la dernière fois que je vous ai vu, — je comprends que votre douleur doit être grande, sachant combien vous aimiez cet excellent père. C’était aussi un digne homme, brave, loyal et d’une âme généreuse.

Vous devez à son souvenir d’être encore lui, c’est-à-dire de résister au chagrin, aux découragements qui s’emparent du cœur dans ces terribles séparations, et de tenir bien haut toujours le drapeau de la vie. Il est lourd, j’en conviens, et la main des plus forts s’engourdit souvent à le porter ! Mais vous avez, pour ne pas faiblir, entre mille autres dons de Dieu, le souvenir de ce père si jaloux de votre bonheur. Vivre bien et noblement est une dette que vous avez contractée envers lui et que vous saurez acquitter en restant vous-même, dans le chagrin comme dans le calme.

Croyez que vos amis, vous sachant affligé si profondément, vous aiment davantage. Mon fils se joint à moi pour vous le dire du fond du cœur.

G. SAND.