Correspondance 1812-1876, 3/1852/CCCLVI


CCCLVI

À M. ERNEST PÉRIGOIS, À PARIS


Nohant, 31 août 1852.


Cher ami, je ne peux pas être enchantée d’une solution qui ne vous rend pas à notre voisinage. Mais, par le temps qui court, le mieux est le moins pire, comme on dit chez nous, et puis voilà votre famille rassurée par un internement, réjouissons-nous en attendant justice complète. Tout est mieux que l’Angleterre et la Belgique en ce moment.

Laissons passer le temps et l’orage : nos pères en ont vu bien d’autres. Travaillons, étudions, ou produisons à travers la tempête. Si le vaisseau sombre, nous tâcherons de jeter quelques souvenirs à la mer, qui flotteront vers de meilleurs rivages. Vous avez, vous, une ressource refusée au grand nombre, vous avez la faculté et l’amour de l’étude, qui ne vous consoleront pas, mais qui vous soutiendront.

Je ne sais si vous serez encore à Paris quand on jouera, dans deux ou trois jours, au Gymnase, la pièce[1] que vous n’avez pu voir à Nohant.

Maurice, à qui je n’ai pu donner votre adresse, ne l’ayant point, ne vous trouvera peut-être pas. Allez donc le voir, rue Racine, 3 ; il vous donnera des places pour aller entendre siffler peut-être ce qu’on a applaudi sur notre théâtre. La pièce n’en valait pas mieux ici, elle n’en vaudra pas moins là-bas.

Adieu, cher enfant. Écrivez-moi toujours et longuement, du lieu où vous serez, quand même je ne pourrais vous répondre de même. Amitiés de mes enfants d’ici.

  1. Le Démon du foyer.