Correspondance 1812-1876, 2/1847/CCLX


CCLX

À M. THÉOPHILE THORÉ, À PARIS


Nohant, juin 1847.


J’aurais, monsieur, le plus grand désir d’être utile à la personne que vous me recommandez, et son titre de neveu de Saint-Just n’est pas mince auprès de moi. Mais ce qu’elle me demande est à peu près impossible.

Jugez-en vous-même. M. Flaubert désire que je lui promette et que je lui laisse annoncer une préface de moi, pour la première livraison d’un livre qui n’est encore qu’en projet, dont il n’a pas écrit la première page et dont il me soumet le plan. Ce plan me paraît bon et utile ; mais cela ne suffit pas pour que je puisse engager ma responsabilité. Personne ne peut endosser l’esprit d’un livre avant d’avoir lu attentivement ce livre.

Et puis j’ai fait trois ou quatre préfaces en ma vie, et je crois que je ne pourrais plus en faire une cinquième. C’est un travail auquel je ne suis pas propre et qui me coûte plus de peine que trois romans à écrire. Enfin, et c’est le plus sûr, une préface de n’importe qui n’a jamais servi à qui que ce fût. Si le livre est bon, à quoi sert la préface ? s’il est mauvais, elle lui nuit davantage.

Agréez, monsieur, l’expression de mes sentiments affectueux.

GEORGE SAND.